Une rhétorique imparable
Par un communiqué choc, l'équipe présidentielle de Lyon 2 nous « informe ».
Dès
la première phrase, le mouvement étudiant et ses instances
décisionnelles sont discréditées. L'assemblée générale devient une
assemblée entre guillemets. Les étudiant.e.s exécutant les
décisions de l'AG sont transformés en « des individus [qui] se sont
introduits dans le bâtiment K, violant ainsi l'arrêté de fermeture des
locaux pris par la présidence pour la nuit. ».
Bref, des cambrioleurs ?
On
croirait lire un texte rédigé par notre président de la République en
personne. Ou bien, plus modestement mais tout aussi résolument, par son
préfet Gérault, organisateur des exactions policières commises place
Bellecour la semaine du 21 octobre dernier.
Ce
texte repose sur une série de rapprochements abusifs : les occupant.e.s
sont pointé.e.s comme portant « la responsabilité totale » de cette
situation.
Quelle situation ?
La situation en question nous est démontrée, montage photo à l'appui, et comme nous ne savons pas regarder des photos, il faut les commentaires !
Ainsi,
une photo d'un vulgaire et habituel blocage de porte (voir vos archives
2006, 2007 et 2009...) devient un « Blocage des issues de secours,
dégradation de mobilier » !
Ou encore est nommé par le terme « ces dégradations gratuites » afin de nier le sens de l'usage des meubles (blocage).
L'occupation devient ainsi synonyme de « véritable
paysage de désolation », les étudiant.e.s mobilisé.e.s deviennent des
« individus » « délinquants » : des « casseurs ».
Dans la foulée, l'équipe présidentielle conclut, avec une sévérité décomplexée, que « L'université poursuivra les auteurs de ces actes dans le cadre des procédures de discipline interne et devant les tribunaux ».
Voilà
toute la considération apportée aux trop rares membres de la communauté
universitaire qui se mobilisent pour la défense de nos retraites à
tou.te.s.
D'autre
part , la « sécurité incendie » est à sens unique : que dire des
conditions de travail des ATOS durant la fermeture administrative
d'octobre 2010 ? Selon des représentant.e.s de ces personnels venus en
AG interfac, les issues de secours étaient alors verrouillées !!!
Ce,
dans des locaux qui, comme le souligne si bien l'équipe présidentielle,
constituent un « campus de type « Pailleron » », c'est à dire un
bâtiment dans l'illégalité complète concernant les normes incendie.
Quelle communication de la présidence pour informer de la dangerosité des locaux ?
Quel plan campus pour remédier à cette grave situation qui perdure et nous met en péril en permanence ?
Quelle considération pour les personnels ATOS ainsi exposés ?
Finalement, toute cette langue de bois présidentielle, dans l'université comme ailleurs, vise à poser une
mythique « communauté universitaire » en victime d'une agression
dépourvue de sens. Agression dont tout.e étudiant.e participant à la
mobilisation est désigné.e comme coupable.
Se
poser de la sorte en victime de hordes de casseurs empêche toute
reconnaissance de la réalité des conflits qui traversent cette
soit-disante « communauté universitaire ».
Et
pour bien enfoncer le clou, la présidence appelle l'objectivité
scientifique à la rescousse : « L'Université Lumière Lyon 2 mettra tout
en œuvre afin que les constatations scientifiques opérées par la police
permettent d'identifier dans les heures qui viennent les individus
coupables de ces agissements. ».
Depuis
quand l'équipe présidentielle a-t-elle oublié la différence
fondamentale entre une enquête judiciaire et des « constatations
scientifiques » ?
Pour bien faire, nous proposons le fichage ADN généralisé des étudiant.e.s et personnels : enfin une idée progressiste !
Le
hic, c'est que même l'identification par ADN repose sur … un calcul de
probabilités, et ne permet donc aucunement l'identification certaine à
100% de coupables.
La science elle-même se retrouve finalement dévoyée par l'équipe présidentielle : de connaissance valide à un moment donné, elle est convertie en certitude soit-disant légitimante.
L'équipe présidentielle est-elle bien placée pour dire ce que doit être le travail d'enquête de la police ?
Une certitude, elle a oublié la présomption d'innocence !
Mais n'est-ce pas le manque de maturation stratégique du mouvement qui permet une telle offensive ?
Criminalisation,
mais aussi fermeture administrative de l'université au moindre risque
de développement du mouvement. Dans ce contexte de pourrissement, les
frustrations de ceux et celles qui écoutent les mots d'ordre simplistes
de quelques tribuns débouchent sur des actes qui posent question.
Des actes porteurs de sens
A aucun moment, l'équipe présidentielle ne s'attache au sens de ces « agissements ».
La seule allusion au sens des graffitis faite est ainsi que leurs auteur.e.s « méprisent la communauté universitaire et le travail des agents d'entretien de nos campus. ».
Mais nous, signataires du présent texte, relevons, en effet, que bien des choses sont méprisables à l'université.
Le
contenu des graffitis pourrait ainsi interroger sur l'état des
relations entre professeur.e.s et étudiant.e.s, notamment en sociologie.
Comment
ne pas se rappeler par exemple, à la fin du mouvement de 2009, cet
immense écriteau apposé dans le bâtiment K, parmi tant d'autres : « La
sociologie n'est plus un sport de combat » ?
Conclusion apportée au mouvement, côté étudiant...
Dans
cette université de masse, la « communauté universitaire » est en
pleine voie de décomposition, bradée par les réformes universitaires
successives.
La
désillusion parcourt les couloirs, à coups de graffitis « anti-tout »,
triste retour d'une fac où les relations se déshumanisent à partir de la
croyance d'être sauvé.e de la précarité par l'obtention d'un diplôme.
Mais
l'élévation généralisée des niveaux d'études demandés pour le moindre
boulot, même précaire, absorbe pour une grande part la masse
d'étudiant.e.s produite par l'université.
Cette
déshumanisation est prégnante, loin du vernis de bon ton distillé dans
les amphithéâtres à cet égard, même et surtout en sciences « humaines ».
La
réalité, ce sont des enseignant.e.s-chercheur.e.s qui apparaissent
désengagé.e.s des mobilisations en cours, voire, pour certain.e.s,
engagé.e.s dans la caution « scientifique » à la mythologie des
« casseurs » qui sert à briser le mouvement.
La
fiction d'une communauté universitaire harmonieuse unie autour de
valeurs intemporelles, a fait long feu depuis les conflits sur la LRU.
Son cadavre est indigeste.
La réalité, c'est le mépris et l'indifférence de chacun.e pour la situation des autres. Dans
ce contexte, l'action et les communiqués de l'équipe présidentielle
montrent à quel point la « communauté universitaire » déteste et rejette
en réalité ses étudiant.e.s.
En
conclusion, la « démocratie », telle qu'elle est aujourd'hui utilisée
dans la bouche de cette équipe, ne sert qu'à nous rendre impuissant.e.s.
Entre leur démocratie qui fait de l'université une tour d'ivoire, et
notre approche d'engagement dans les enjeux sociaux, il y a conflit.
Il convient selon nous d'en prendre acte, et d'œuvrer à l'explicitation et au développement de ce conflit.
A moins qu'il soit préféré l'enlisement dans la violence et la stigmatisation de/par certain.e.s de ses acteurs ?
Gzavier et Sophia, novembre 2010
en option, il y a aussi le communiqué de la dernière AG, là :
Sophie Perrin, ou le nombrilisme incarné... tu sais parler d'autre chose sinon (sur les mailing-lists où tu interviens)?
RépondreSupprimerCher.e Anonyme,
RépondreSupprimerLa quiétude de l'anonymat te permet d'exprimer toute ton aigreur de voir ce nom, nullement anonyme, lui, occuper tant d'espace sur le blog crea'tif ?
Tu fais présentement quelque peu pitié, or, il vaut mieux faire envie que pitié, dit le proverbe.
C'est ce que je t'invite à faire : peut-être cela te permettra-t-il de sortir de l'anonymat, et, partant, de ton aigreur ?
Bien cordialement,
Le CREA'tif infernal.
PS : ta vision négative du "nombrilisme" pourrait être relativisée par une révision de ce qu'est le nombril (à ne pas confondre avec cette manie très à la mode de se gonfler de "moi je" jusqu'à ressembler à un bibendum michelin, bien sûr) : http://www.aufeminin.com/mag/maman/d1586/c41538.html