Il y a quinze jours, notre camarade Sophie Perrin a tenté
de differ un tract dans Lyon 2 (campus des quais). Elle a subi pressions et
intimidations face auxquels elle a préféré battre en retraite (récit disponible ici). Elle n’est pas la seule en
butte à l’administration : certains syndicats et collectifs étudiants ont
bien du mal à faire tenir leurs affiches, differ leurs tracts…dans cette
université, ces derniers temps. Ceci cependant que les affiches publicitaires
et commerciales, elles, y pullulent, semble-t-il en toute impunité.
Comme toute attaque mérite réponse, on a décidé de répondre, parce que se
laisser faire à Lyon 2, y’en a plus qu’assez !
|
Confucius, l'illustre personnage visible au premier plan sur le dessin, nous écrit sur son parchemin : "Si le mandarin dit que tu ne dois pas faire de thèse, tu ne dois pas faire de thèse".
On voit ce que Guignol, l'insolente marionnette, en fait...suivi par son public ! |
Le 28 juin dernier, c’est avec force citations du règlement
intérieur, que notre camarade, Sophie, avait été menacée et mise sous pression,
pour une simple diffusion du tract-communiqué de presse qui rendait compte de
l’annulation des arrêtés tirannesques qui lui interdisaient tout accès à Lyon 2
depuis 2,5 ans.
Après mur examen de ce réglement, la tête froide, il s’est
avéré avoir été utilisé de façon totalement abusive à son encontre.
Pis ! On pouvait en réalité s’appuyer dessus pour exiger le respect des
droits syndicaux et de certaines libertés étudiantes.
Aussitôt dit, aussitôt fait : une affiche à texte,
humoristique et signée d’un redouté et mystérieux « syndicat des dangereux
éléments extérieurs de Lyon 2 », fut confectionné.
Comme le texte tout seul ça peut être chiant, l’affichette a
été aussitôt accompagnée d’une deuxième affichette, à dessin, sur le thème
« guignol et les mandarins ».
Avant de passer à la suite du présent récit, lecteur,
lectrice, on te conseille vivement d’aller voir tout ça (eh oui, comme on est
sur internet, y’a des liens hypertexte dans le texte). En cliquant sur les deux liens là. Tu ne regretteras pas le détour, promis, juré :
Maintenant que tu as vu le matos, bref, lu notre
présentation, passons à l’action.
Sacs poubelle, scotch, affichettes, et, bien sûr, appareil
photo et…la carte de visite de l’assistante du président, comportant le numéro
de ligne directe ad hoc, soigneusement conservée depuis 2010 par Sophie, en
poche, nous voilà paré.e.s.
Viens faire le tour des panneaux, en images, avec les 5
membres, sympathisant.e.s, futur.e.s membres, et associé.e.s, du syndicat des
dangereux éléments extérieurs de Lyon 2 qui agirent avec ferveur, gaieté et
détermination ce matin-là (on précise que si les visages sur les photos
sont floutés, ce n’est point par lâcheté ou parce qu’on aurait des vilaines
choses à se reprocher, mais parce qu’on ne prétend pas à une célébrité
individuelle, surtout en des temps où les ratonnades fascistes menacent tout.e
un.e chacun.e de nous) :
|
Avant... |
|
"Idéal investisseur ou premier achat"... si si si |
|
...Après. |
|
Même l'UNEF est squatté...pub pour l'ID Bus de la SNCF, via un vrai affichage...sauvaaaaage ! |
|
On arrache |
|
Et on redécore autrement... |
|
Avant |
|
Après |
|
Avant |
|
Pendant... |
|
Après |
|
Confucius rencontre Confucius... |
Une fois notre sac poubelle bien rempli, nous nous rendons
au pied du bâtiment erato, un nom latin comme y’en a tant à Lyon 2 quais. C’est
le bâtiment où se trouve la présidence. Et nous joignons, par téléphone,
l’assistante du président, afin de lui expliquer la – dramatique - situation :
« Bonjour Madame l’assistante du président, Sophie
Perrin à l’appareil.
Je vous appelle parce qu’on est plusieurs personnes, et on a
constaté qu’il y avait un certain nombre d’affiches qui n’avaient pas lieu
d’être à l’université selon le règlement intérieur, donc on a fait un petit peu
le nettoyage, et on voulait savoir où est-ce qu’il fallait mettre euh…ce qu’on
a nettoyé - en l’occurrence des affiches commerciales, publicitaires, etc.
Et puis on a aussi un problème et une question, parce qu’on a appliqué le
règlement je dirais de manière souple, parce que par exemple il y a des petites
annonces pour des colocations d’apparts, des cours de soutien, etc, qui sont, a
priori, du commercial et du publicitaire, mais on a estimé que les étudiants en
avaient besoin donc on les a laissées en place ».
L’assistante du président, d’abord un peu surprise, propose
de descendre dans dix minutes nous rencontrer, accompagnée d’un agent de
sécurité.
Dix minutes plus tard, voilà qui est chose faite. Autour du
sac poubelle grand format bien rempli, il sera dit à l’assistante du président
que :
« on veut bien discuter des choses qui sont dans le
règlement intérieur, mais ces affiches-là (commerciales et publicitaires),
n’ont pas été arrachées par l’université.
Voici, par écrit, les motivations de notre action, avec les
articles du règlement intérieur ad hoc cités (communication de l’affichette à
texte) : on estime que le règlement intérieur doit être appliqué de
manière impartiale, c’est à dire que les affiches syndicales, dès lors qu’elles
sont signées de syndicats, n’ont pas à être…embêtées…y compris quand il s’agit
de cas individuels défendus par ces syndicats (comme par exemple le cas de
Sophie), et que par contre effectivement, dans le règlement intérieur, tout ce
qui est dit, c’est « les affiches doivent être d’origine syndicale
ou culturelle », et « les affiches commerciales ou publicitaires
sont strictement interdites »…or, y’en a de partout. »
Le problème spécifique des affiches intéressent directement
les étudiants (pour des colocations, des cours de soutien, des bricoles comme
ça), qui empiètent fortement sur les panneaux d’affichage syndical et culturel,
faute d’espace dédié, et que les gens doivent rechercher dans toute la fac vu
leur dispersion de ce fait, sera également posé.
On conclut :
« on espère que la liberté syndicale et étudiante sera
respectée dorénavant dans cette université…et dans ce campus plus précisément,
parce que c’est bien sur les quais qu’il y a ce problème disons…de mauvaises
relations avec certains acteurs de l’université, sur certains tracts de
certains syndicats »
L’assistante du président s’engage à faire remonter nos
remarques au président, et, sous nos yeux, le sac poubelle bien rempli
disparaît, emporté par notre interlocutrice et son accompagnateur en uniforme.
Mais on ne va pas s’en tenir là : l’après midi, comme
il y a quinze jours, il y a Conseil d’Administration de l’université.
On va donc passer aux travaux pratiques, en diffusant, cette
fois-ci collectivement, le tract diffé par Sophie seule il y a quinze jours,
aux membres du CA.
****Mais avant, entracte pour manger, car il est midi à l'horloge du récit****
Cher lecteur, chère lectrice, c'est l'entracte, ne reste pas scotché.e devant ton écran toute la journée, ni toute la soirée : n'hésite pas à faire une pause café, à sortir t'aérer, discuter avec tes potes...parce que c'est ça, la vraie vie, aussi ;-)
Même si le présent récit est passionnant, et que tu attends la suite...
En particulier, n'hésite pas à lâcher ton facebook de temps en temps pour aller dans la rue et chez tes potes en vrai : c'est subversif ;-)
****Fin de l'entracte, suite du récit de cette journée du 12 juillet****
L’après midi, comme il y a quinze jours, il y a Conseil
d’Administration de l’université.
On va donc passer aux travaux pratiques, en diffusant, cette
fois-ci collectivement, le tract diffé par Sophie seule il y a quinze jours,
aux membres du CA.
A été ajoutée, au verso, la motion refusée d’examen au CA
par la commission permanente du 21 mai (motif du refus : « Sophie
Perrin, c’est un cas individuel, ça ne concerne donc pas le CA »).
Respect du droit syndical et associatif dans
l’université ? Chiche !
On revient donc vers 14h, et on s’installe,
précautionneusement, pas trop près de la porte qui mène à la salle du Conseil
pour ne pas susciter une parano immédiate.
L’espace est immédiatement occupé par un, puis deux, puis trois vigiles, qui,
spontanément, font barrière devant ladite porte…au cas où on soit débiles au
point de vouloir envahir un CA en plein mois de juillet, à cinq ?
La parano immédiate come back…
L’un des vigiles finit par nous questionner, un peu nerveux
et suspicieux : « vous êtes-là, c’est pour quoi
exactement ? »
Réponse : « C’est pour distribuer le matériel
d’origine syndicale qui n’a pas pu être distribué aux membres du CA il y a
quinze jours »
On est partis pour une cohabitation de longue durée sur les
marches du bâtiment présidentiel, parsemée de personnes venant pour le CA,
auxquelles on donne le tract.
Durant les longs intermèdes d’attente, chacun des deux
groupes discute de son côté. En cette saison de résultats de concours, côté
« dangereux éléments extérieurs », on s’informe et on échange sur qui
de nos proches a réussi, qui a échoué, son concours. Côté vigiles, c’est à dire
agents techniques en majorité non titulaires, les échanges portent sur les
réussites ou échecs à des concours également…
Peu à peu, du fait de cette similitude de galères à portée
d’oreille, ils se détendent, deviennent moins nerveux dans leur manière de
garder l’entrée.
Nous
finissons par discuter aussi un peu entre les deux groupes, ce qui
permet d'éclaircir et ce qui nous oppose réellement, et ce qui nous
motive à agir chacun.
C’est dans ce nouveau contexte que survient l’incident, sur
fond de vigiles calmes.
Au bout d’environ 20 minutes, un membre du CA sort, l’air
peu amène, du bâtiment présidentiel, et vient droit sur Sophie :
« Lui - Bonjour
Tou.te.s - bonjour.
Lui - Je suis le vice-président responsable des campus.
[devant le tract : ] Non merci, je l’ai déjà.
Monsieur le président vous demande de tracter devant l’établissement,
mais pas dedans l’établissement.
Sophie - C’est un tract d’origine syndicale, Monsieur.
Lui, nerveux et insistant - Monsieur le président qui a
toute autorité dans cet établissement vous demande de tracter devant
l’établissement, à l’entrée. Vous ferez tous les recours que vous voudrez, il
vous demande d’appliquer ça pour l’instant.
Sophie - Excusez-moi monsieur,
Lui - Les gens arrivent, de toute façon, par l’entrée,
Sophie - Excusez-moi monsieur, le président révise le
règlement intérieur comme ça ?
Lui - Vous l’interprétez comme vous voulez
Sophie - On a le droit de diffuser des tracts d’origine
syndicale sur les campus. Ca s’appelle une entrave au droit syndical, ça,
monsieur.
Lui - Faites les recours que vous voulez.
Sophie - Ca s’appelle une entrave au droit syndical.
Un autre camarade - les organisations signataires de ce
tract prennent tout à fait bonne note de ce que vous avez dit et remercient
monsieur le président d’avoir donné son point de vue personnel. On prend bonne
note de son point de vue personnel. Voilà. Mais on a aussi le nôtre.
Lui - Donc vous refusez ?
Sophie - Nous appliquons le règlement intérieur.
Lui, s’en allant - Très bien…
(puis se ravisant) Ceci dit, je
ne veux pas faire dans le formalisme, mais un extrait – j’ai le droit d’en
avoir un puisque je suis membre du CA – un extrait de communiqué de presse, ce
n’est pas vraiment un document syndical.
Sophie, montrant les trois syndicats signataires - alors…
Lui, d’un ton sec - C’est mon point de vue aussi, madame.
D’ACCORD ?
Sophie - Je vous donne le mien dans ce cas-là, monsieur.
Lui - Vous ne respectez pas le président !
Sophie - Nous respectons le président mais nous sommes aussi
là pour demander à être respectés en tant que syndicalistes étudiants monsieur.
Ou syndicalistes salariés d’ailleurs. »
Le vice-président responsable des campus s’éclipse, mais ce
n’est que provisoire : dix minutes plus tard, il revient. A la charge,
sortant de nouveau du bâtiment :
« Lui - Madame Perrin, c’est vous-même ?
Sophie - Oui.
Lui - Alors vous par contre, vous n’avez rien à faire sur le
campus.
Sophie - Pourquoi ?
Lui - Ben, sauf si vous êtes étudiante.
Sophie - Le règlement intérieur, c’est que le campus est
ouvert aux usagers.
Lui - Oui. (Puis, d’un ton sec ) Et comment définit-on les
usagers de l’établissement ?
Sophie - Je vais vous montrer ma carte, monsieur. »
Sophie sort sa carte d’abonnée à la bibliothèque
universitaire de Lyon 2, refaite depuis qu’elle peut de nouveau mettre les
pieds dans Lyon 2.
« Lui – Ca, ce n’est pas…une carte d’étudiant euh…de
Lyon 2.
Sophie - Je suis usagère de l’université : je suis
abonnée à la bibliothèque.
Lui - Ben vous pouvez aller à la bibliothèque, si on vous
donne le droit d’accès, mais ça n’est pas la carte d’étudiant…
Sophie - Les personnes qui sont…
Lui, d’un ton extrêmement agressif, explosif, d’un coup - CA
N’EST PAS LA CARTE D’ETUDIANT DE LYON 2
Sophie, gardant son calme - Ne criez pas, monsieur.
Lui - DONC, ne me dites pas que c’est la carte d’étudiant de
Lyon 2.
Sophie - Ne me criez pas dessus monsieur, je suis usagère,
Lui - OK, donc vous violez l’article 2 du règlement
intérieur, je prends acte, ensuite, vous surinterprétez « avis et
communiqués d’origine syndicale »,
Sophie - Vous sous-interprétez, monsieur. Je ne vais
pas m’énerver, je vais vous laisser crier tout seul.
Lui, d’un ton redevenant normal - non, c’est, je ne crie
pas. Vous êtes en train de dire une énormité, vous vous réclamez d’un règlement
intérieur que vous piétinez.
Sophie - Je n’ai pas la sensation de le piétiner.
Lui - Maintenant, autre chose. Les membres du Conseil
d’Administration ont le droit de rentrer sans prendre votre tract.
Sophie - Ah ? On les oblige pas !
Lui - Quelqu’un vient de me dire le contraire.
Sophie - On ne vous a pas obligé…
Lui - On m’a dit le contraire. Donc effectivement (montrant
le vigile le plus proche), il y a un agent ici, qui fera respecter que vous
devez laisser passer les gens même s’ils ne veulent pas votre tract.
Sophie - Ah, mais on ne force personne.
Lui - On est bien d’accord.
Sophie - On ne force personne, mais on n’aime pas qu’on nous
force non plus monsieur,
Lui - …et ça se retournera contre vous, c’est que vous vous
réclamez d’un règlement intérieur que vous piétinez.
Un autre camarade - La cour d’appel administrative n’est pas
de votre avis.
Lui - Vous ne pouvez pas vous réclamer de tout et de
n’importe quoi de la Cour d’Appel.
(Ca repart en échanges où il y a simple opposition
répétitive, sur des choses déjà dites)
Sophie - Bon, je pense que, on a échangé nos points de vue,
ça va tourner en rond si on continue monsieur. On a pris note, vous avez pris
note, on va fonctionner ensemble même si on n’est pas candidats à le faire, et
voilà. »
Le vice-président responsable des campus s’éclipse, cette
fois-ci définitivement pour l’après-midi, et la diffusion de tracts peut se
terminer sans autres problèmes, les vigiles étant restés, en arrière fond,
tranquillement accoudés sur la porte qu’ils gardaient…
Au final, le bilan de cette journée d’action est
positif : ça nous a bien plu, on a bien rigolé en faisant l’action du
matin, et hormis l’incident avec le vice-président responsable des campus,
l’après-midi s’est bien passé, même les relations avec les réputés terribles
vigiles des quais semblent être en voie de normalisation. Peu avant notre
départ, d’ailleurs, ces derniers, de nerveux et crispés sur la porte au tout
début, sont devenus carrément bon enfant, s’amusant humoristiquement à barrer
le passage à leurs propres collègues en guise de bonjour…déformation (et réaffirmation)
professionnelle oblige. Et nous ont même affirmé, d’un ton pas sérieux du tout,
suite au passage d’un futur étudiant égaré à Lyon avec un T-Shirt de
l’OM : « ah, mais si vous souteniez Saint-Etienne, même pas vous
pourriez diffuser des tracts ici ! ».
Lorsqu’on s’en va, aucun des deux groupes n’a oublié, pour
autant, qu’on peut être en opposition, et qu’on le sera d’ailleurs certainement
dans le futur. Mais sans la parano…
On peut remarquer que cette action collective est la
première dans Lyon 2 qui a pour point de départ la situation faite à Sophie
Perrin. On peut s’étonner qu’il n’y ait rien eu de fait ainsi plus tôt, alors
que ça fait depuis 2010 que cette situation, qui constitue un grave précédent
qui pèse sur tou.te.s, dure. On peut aussi se dire qu’il y a un territoire militant
à reconquérir, et que cette action n’était que la première pierre de cette
reconquête.
Parce qu’on peut faire autre chose, dans Lyon 2, que juste
regarder des films avec nos profs tout en subissant exploitation, précarité et
arbitraire mandarinal y compris parfois de leur part à eux, on vous invite donc
à venir discuter de la suite à la rentrée. Suite qui concerne, non un unique
cas particulier, mais tous les cas particuliers qui peuvent, à terme, former
ensemble une lutte collective dans ce lieu.
On vous propose de réserver pour discuter autour de tout
cela le soir du 16 septembre, dont on vous reparlera avec plus de précisions,
peu avant la rentrée.
Et, en attendant, on vous laisse avec le plus dangereux
membre du syndicat des dangereux éléments extérieurs de Lyon 2 : c’est une
fiction, elle n’existe même pas, c’est un être purement imaginaire. Pourtant,
on dirait que c’est elle qui fait le plus peur aux mandarins rien que quand ils
la voient en photo…
A bientôt,
Le syndicat des dangereux éléments extérieurs de Lyon 2 (réseau d’étudiant.e.s et ancien.ne.s étudiant.e.s de
Lyon 2, ainsi baptisé sous la présidence Tiran, en 2010-2011, et se
caractérisant avant tout par leur participation opiniâtre aux luttes contre le
CPE, contre la LRU, pour la défense du service public universitaire, et contre
l’élitisme à deux balles qui pourrit l'ambiance d'aujourd'hui)
Et leur redoutée mascotte imaginaire :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire