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mardi 24 mars 2015

Lettre ouverte à Madame le Procureur de la République


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Chère Madame (1),

Vous m’avez fait inculper un 11 juin 2011, parce que la veille, j’avais scotché des affiches faisant l’historique des mouvements étudiants et de leurs répressions sur Lyon 2 depuis 2007 sur un mur situé dans l’enceinte de l'université Lyon 2.
Lyon 2 vous a alors vraisemblablement téléphoné pour se plaindre, et vous avez décidé d’agir...

J’ai pris connaissance de cette inculpation et j’ai signé ce papier le 24 juin 2011. Un vendredi.
Sur le papier, j’étais qualifiée, notamment, de « malveillante ».

Je suis sortie du commissariat et là, le monde est devenu une douleur sidérante, une morsure : celle de l’accusation injuste.


J’étais la victime et vous avez fait, par vos mots, de moi une coupable.

Vous avez été suivie par un tribunal à un juge dont l’huissier appariteur nous a dit, en discutant avec mon avocat : « vous n’avez pas de chance »…avant même le début de l’audience.
Je ne savais pas que la justice avait à voir avec la chance, plutôt qu’avec le juste.

Vous ne connaissez pas, Madame le Procureur, les nuits blanches de l’été 2011. Celles passées dans la rage impuissante face à l’inculpation qui vous cloue.


Chaque week end de cet été, je l’ai passé en nuits blanches, en journées noires.

Vous ne connaissez pas, Madame le Procureur, les années de vie transformées en supplice par votre inculpation. Parce qu’une inculpation, ce n’est pas seulement une peine après un verdict. C’est aussi tout ce qu’il y a avant : l’audience et sa solennité non pour rendre le juste, mais pour vous écraser, vous coller bien à la glu l’étiquette de sale racaille sur la figure, sans chercher à savoir. Sans être capable d’entendre la vérité parce qu’elle est trop inaudible.
Vous étiez une étudiante brillante, prometteuse, on vous voyait déjà prof de fac, collègue : vous êtes maintenant, pour tous, une sale racaille incivile, vos résultats on les a ensevelis sous cette boue infâmante, amplifiée par votre initiative, Madame le Procureur. Gravée dans le marbre par le verdict de vos collègues qui écrivent, quasiment noir sur blanc, dans le jugement d’appel, que la culpabilité se déduit de l’inculpation ...


Une inculpation, ce n’est pas seulement une peine après un verdict.
C’est aussi la honte du « comment expliquer ce qui m’arrive à mes amis, à ma famille ».
Parce que même si vous n’êtes pas coupable, une fois qu’on vous a clouée avec le papier rose, vous avez honte comme si vous aviez fait quelque chose de mal.

Une inculpation, ce n’est pas seulement une peine après un verdict.

C’est donc aussi éviter, durant toutes ces années, de voir des gens pour éviter d’avoir à leur donner de vos nouvelles, parce que leur donner de vos nouvelles impliquerait de parler de ça.
C’est, dans mon cas, suspendre les reprises de contact avec des membres de ma famille d’origine que j’avais prévu de faire, une fois mon mémoire de recherche rédigé.
Suspension aux conséquences tragiques : il y a ceux qui meurent entre temps…ceux pas revus depuis mes 18 ans, depuis que j’ai fui cette famille pour fuir la violence de mes parents, de mon père, envers moi.

Ces personnes que je n’avais pas revues depuis 20 ans, je voulais leur apporter la vérité sur mon histoire : je voulais sonner à leur porte avec le mémoire en mains. Le mémoire qui parlait d’histoires semblables à la mienne. Le mémoire qui avait eu 18/20.
Je voulais leur dire la vérité sur mon père. J’hésitais à sonner à leur porte…il est dur de venir ainsi, 20 ans plus tard, expliquer une absence, parler mal du frère, du parent par alliance, pas du fils car eux, les parents, ils étaient déjà morts et quelque part…c’est peut-être tant mieux, qu’ils n’entendent jamais cet outrage commis par leur fils. Je ne voulais briser personne et c’était cela qui me faisait hésiter. J’avais peur, aussi, qu’on ne me croie pas et qu’on me rejette…
Il m’aurait fallu du temps pour mettre un pied devant l’autre jusqu’à leurs portes.



J’avais commencé à le faire avec certain.e.s.
Mais vous êtes arrivée, avec votre papier rose accusateur, et j’ai renoncé à me présenter ainsi : comment aurais-je parlé de mon mémoire, s’il ne pouvait être poursuivi ?
Comment aurais-je expliqué qu’avec 18/20, je n’étais pas en thèse ?
Il aurait fallu parler du papier rose, à des gens du peuple. Des gens qui croient en vous. Qui croient en votre justesse.
Qui croient que vous n’accusez pas à tort, à la va vite.
Qui croient, comme je le croyais moi-même avant de vous connaître, que les vies sont jugées avec sérieux. Alors qu'en réalité, les stéréotypes ont aujourd'hui plus d'influence sur votre jugement, que les preuves.

J’ai laissé mon mémoire de recherche sur une étagère poussiéreuse. La couche de poussière s’est accrue au fil du temps de procédure infâmante qui passait…
Fin octobre 2013, verdict pénal d’appel : l’université est entièrement déboutée de sa plainte, enfin. Mais je reste une sale personne « malveillante » et suis condamnée à ce titre…sans avoir eu communication de la principale pièce d'accusation versée à charge au dossier sur ce chef, malgré plusieurs demandes à cet égard.
Début novembre 2013, mon oncle et parrain meurt d’une crise cardiaque.

Je ne l’ai pas revu depuis mes 14 ans.
J’étais en train, avant que le papier rose guillotine ma vie, d’avancer un pied, puis l’autre…jusqu’à sa porte, au village.
La porte est aujourd’hui celle d’une tombe.

Une inculpation, ce n’est pas seulement une peine après un verdict.
C’est aussi, avant l’audience, le temps d’attente. Les mois d’attente.
La rencontre avec un expert psychiatre qui réduit votre passé et votre vie en charpie, la dissèque façon boucher, l’exhibe façon brutalité.
L’absence totale d’empathie pour vous, parce que si vous êtes inculpée, c’est que vous êtes coupable, n’est-ce pas ? Aussi vrai qu’il n’y a pas de fumée sans feu…
Votre assurance juridique qui vous répond : « ah ben si vous harcelez, non on prend pas hein… ».



Une inculpation, ce n’est pas seulement une peine après un verdict.
Ce sont aussi les amis et relations communes avec votre enseignante.
Pour qui vous devenez le monstre décrit par le papier rose : un être malveillant envers elle.
C’est perdre, un à un, ces amis et relations, car la présomption d’innocence n’existe que pour ceux qui y croient.
C’est aussi perdre, une à une, toutes les relations amicales que j’avais construite à la fac.
Rentrée à Lyon en 2006, après deux ans et demi d’exil et d’isolement, deux ans et demi passés sous le contre coup du rejet de ma plainte de 2002 contre mon père…
Lorsque je suis rentrée à Lyon, j’ai (re)construit, peu à peu, mon monde à la fac.

Quatre ans plus tard, à partir de mon éviction de juin - juillet 2010, j’ai perdu tout cela.
L’expert psychiatre écrira, dans son rapport en 2012, comme une tare, que j’apparais « isolée socialement et familialement »…
J’ai en effet perdu là tout ce que j’avais construit comme relations : je vais donc mal. Verdict de l’expert psychiatre : il faut donc, puisque je vais mal, m’obliger à « me soigner »…




Je vous hais, Madame le Procureur, pour votre injustice profonde.

Je hais les magistrats qui jugent à l’emporte pièce. Je hais ceux qui inculpent sans prendre le temps de lire les dossiers non seulement à charge, mais aussi à décharge.

Je vous hais vous, nommément, personnellement, pour le mal que vous m’avez fait, pour les années de ma vie que vous avez bouffé avec votre procédure injuste. Pour tout ce que votre action a détruit dans ma vie.

Je vous hais pour m’avoir définitivement ôté tout espoir de poursuivre ma reprise d’études, car c’est, en effet, votre sale procédure qui m’a définitivement mise en-dehors de l’Université.

Je vous hais pour votre mépris à mon égard, pour m’avoir considérée comme une quantité négligeable et non un être humain, un alter ego qui mérite égard, comme vous.

Je hais vos collègues du début des années 2000 car ils vous ressemblent dans leur mentalité.

Je les hais pour n’avoir pas même convoqué mon père au commissariat pour lui donner une chance de passer aux aveux sur le mal qu’il m’a fait.



Je les hais pour avoir traité comme quantité négligeable les 30 premières années de ma vie, détruites par ses actes d’agressions sexuelles commis durant toute mon enfance, et même pas jugés graves au point de mériter, oh, non, pas une garde à vue comme vous aviez prévu pour moi. Non. Juste une audition à la police. Juste ça, Madame le Procureur.

Je vous hais vous pour avoir demandé ma mise en garde à vue alors que je n’avais rien fait de mal, je vous hais vous pour m’avoir inculpée pour des choses que je n’ai pas faites.
Je vous hais pour m’avoir traitée, à cet égard, comme vous auriez du traiter mon père.
Je vous hais pour avoir garanti l’impunité sans souci à ce dernier, sa vie durant.

Je vous hais pour votre profonde injustice. Je vous hais pour votre servilité, qui n’a rien à voir avec un esprit de justice.

Je vous hais pour m’avoir transformée en coupable. Je vous hais pour le mal que vous m’avez fait. Je vous hais pour votre injustice.

Je vous hais pour avoir participé à démolir ma place dans le monde.

Au nom de la justice, vous n’avez su que faire, ici, œuvre destructrice.

Je vous condamne, simplement, à en assumer la responsabilité.




Sophie Perrin, évincée de l’accès en thèse avec un master 2 recherche en anthropologie mention très bien, parce que l’accès au doctorat, ce n’est pas au mérite, c’est à la ressemblance avec une serpillière (= capacité de soumission et de souffrance en silence), aujourd’hui, et parce que vous avez cautionné cela.

PS : ici mes travaux de recherche sur l'inceste sont accessibles.

(1) Habituellement, on s'adresse à "Monsieur" le Procureur.
Mais ici, c'est une vice-procureur qui est, concrètement, responsable du traitement un chouilla baclé du dossier. Afin de marquer cette présence concrète, tout en renvoyant au collectif (le "Parquet un et indivisible"), la présente lettre est adressée à Madame. Et pas à "Madame le vice procureur", mais bien au Procureur en tant que collectif un et indivisible.


"La responsabilité est l'obligation de répondre de ses actes.
Elle est une condition essentielle de la liberté : un pouvoir irresponsable est tyrannique et décadent, un individu irresponsable est un facteur de troubles et un être humainement diminué. L'homme libre est celui qui a conscience des conséquences de ses actes et en répond : Nietzsche a pu parler du "privilège extraordinaire de la responsabilité"."

7 commentaires:

  1. J'ai lu très attentivement cette "lettre ouverte" et j'ai mal pour la plaignante, pour la victime, pour Sophie; J'ai mal parce qu'on lui inflige une double peine, j'ai mal parce qu'on s'acharne sur cette jeune femme qui ne demandait que la justice. J'ai mal parce qu'on met à terre tous ses efforts, tous ses combats, tout son courage. POURQUOI? je me questionne : pourquoi cette jeune femme intelligente vous dérange-t-elle à ce point que vous vous acharniez ainsi sur elle. Pourquoi ce besoin de la discréditer aux yeux de tous? Non pas aux yeux de tous : pas aux yeux de gens comme moi (et nous sommes nombreux) à avoir des parcours comme le sien : victime, certes, battantes, sans nul doute, vociférant pour être entendue. Où est le mal? Je souhaite à Sophie d'être reconnue dans sa souffrance, son combat, son courage. Je lui souhaite de pouvoir vivre sans avoir encore à se battre car enfin : croyez vous qu'elle n'aspire pas, comme tout un chacun, à la sérénité et au bonheur. Réhabilitez Sophie.

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  2. Je vous ai lu avec émotion, merci pour votre témoignage. Je suis en empathie totale avec vous, suite à cet acharnement injuste qui a bousillé votre présent, et votre avenir.
    Le système judiciaire est déficient et bousille des victimes au lieu de les protéger. Je vais parcourir le reste du blog.
    Les mots me manquent pour crier ma solidarité face à une telle ignominie dont vous avez été l'objet.
    :(

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  3. ça doit être coutumier, vous n'êtes pas la seule !

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  4. je connais ce sentiment de rage de haine et d'impuissance
    Justice sur le papier AU NOM DU PEUPLE mais faite par et pour une élite beurk très belle lettre je dispatcherai courage BB

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  5. Qui sème le mépris ne récolte rien d'autre que la haine. Et Dieu sait si la récolte est meilleure de jour en jour tant celles et ceux qui ont encore l'indécence d'oser prétendre "rendre" la "justice" irriguent le terrain.
    Jérôme, victime de la pègre robenoirée rennaise.

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  6. Chère mafia rennaise,

    Je ne pense pas que la magistrature soit comparable avec l'honorable société : l'esprit de corps ne suffit pas à former une mafia. Il suffit en revanche, cumulé avec des stéréotypes, d'une part, une confiance aveugle et crédule envers des institutions "amies" d'autre part, à produire d'énormes injustices et erreurs judiciaires.
    Après, je ne connais pas votre dossier et ne sais ce qui vous conduit à des mots aussi durs envers la magistrature rennaise...je vous rappelle néanmoins que si elle passe par là, vos propos ont intérêt d'être étayés d'arguments et preuves de leur justesse et pondération, sous peine de quoi vous encourez la possibilité de toute une série de motifs d'inculpation par ces messieurs dames... (outrage à magistrat, diffamation publique, etc, etc, etc).

    Je précise pour ma part n'avoir aucun élément pouvant me conduire à abonder dans le sens de votre vocabulaire, que je trouve excessif pour ce qui est des éléments sur la magistrature dont j'ai moi connaissance.

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  7. J'ai lu cette lettre avec attention. Bravo à l'auteur pour son courage, pour son combat pour la justice, pour les descriptions très parlantes. J'y ai retrouvé les ingrédients de souffrance que j'ai pu également subir... Les nuits blanches à n'en plus finir ! les humiliations et la honte alors que l'on est "victime". Ne plus vouloir sortir de peur de rencontrer des amis qui eux-mêmes sont mal à l'aise... Que dire à sa famille, à ses enfants ? Lorsque vous n'avez commis aucune faute et que l'on voit la suspicion dans le regard de l'autre en face! Un véritable cauchemar avec des envies d'en finir. Le temps passe, la vie nous file entre les doigts... et les affaires toujours pas réglées 6 ans après. J'ai soif de justice et tant que celle-ci n'aura pas été rendue, je n'aurai de repos et je continuerai de crier dans le désert. En face de moi : un élu ! Comment se défendre, avec quels moyens et dans quels délais au niveau des tribunaux administratifs ? Alors qu'une collectivité territoriale a tous les moyens pour vous détruire (argent public), vous n'avez que vos économies, vos amis pour payer les avocats... Nous sommes nombreux dans des situations d'une grande violence en raison d'INJUSTICE.. Courage à vous et merci pour cette lettre. (obligée d'être anonyme pour éviter les représailles en tout genre)

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