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jeudi 29 novembre 2012

Panthera uncia : "pedigree"

Courriel du 9 septembre 2010, 21h53 (version intégrale)
Objet : Pedigree.
Cher lecteur, chère lectrice,
Avant de passer à la scène suivante,
De l’histoire fictive qui n’a rien à voir
Avec nous, toi, moi, et les autres, comme cela a déjà été signifié,

Il me faut te narrer
Le pedigree
De la bête. Ce, afin de couper cours aux rumeurs, déjà énumérées, qui circulent sur cet être,
Dans l’université.

Las, eh oui, cela signifie
Que nous allons encore devoir franchir
L’entrée de ce lieu
Inhospitalier
Perdu au milieu de la brousse,
Que dis-je, la cambrousse,

Voilà nous voyons les grilles, les multiples barreaux

Qui en constituent la première déco
Visible
Du dehors : « bienvenue »
C’est écrit dessus.

Puis nous franchissons la porte
D’entrée
Surveillée (souriez …)
Par les premiers yeux machiniques, dernière mode dernier cri

Au milieu des locaux plus ou moins délabrés.
Nous devons aller
Au sein du plus délabré
Et trouver
L’escalier
Qui nous mènera

Sur les pistes de l’once : dans les locaux décrits ici comme étant ceux du
CREA'tif.

Dont on a enlevé « CREA’tif », et qui la dernière fois que j’y suis allée, comportaient en lieu et place une BD, qui se voulait humoristique, sur le thème « une intégriste se fait sauter ».
Les temps changent, à ce que je vois …

Mais aucun changement n’est définitif.

Dans l’un des premiers bureaux, sur notre gauche, voici d’ailleurs une statuette d’un gusse, pourvu de quatre bras, si ce n’est plus, qui danse dans une roue, ou un cercle. L’air de me dire « regarde mes bras longs, tra la lère ».

Mais moi, je regarde le cercle, et lui réponds : « juste au poil pour faire tourner la roue … ».
D’la fortune.

Tu viens d’Asie, toi,
A ce que j’vois ?

Shiva, car c’est lui, courroucé du répondant, en croise deux de ses quatre bras sur sa poitrine :
« puisque c’est comme ça, je ne bouge plus ».

Las, les deux autres bras, à son insu, car il n’en est pas à une contradiction près, tournent, et la roue avec … fort bien, fort bien.

Continuons la visite.

Plus loin, à ma droite, la porte de la bibliothèque, et, dans un des coins de cette dernière, son buste d'Allan Kardec,
En mal d’offrandes de clopes et de canettes de coca.
Allez, on s’croirait
Dans un terreiro d'umbanda
( qu’est-ce que l’umbanda ? Voir par exemple ici ).

Elle serait longue la liste

Des divinités du lieu

Eh oui, les anthropologues sont polythéistes

Voire pire.

Nihilistes.

Au milieu, dans la salle centrale,
Voici l’animal
Dont nous avons déjà parlé :
Le dernier rejeton
Produit par ces divinités
J’ai nommé : le monstre du laboratoire.

Voici son portrait, puis son pedigree (cependant que la bête, qui ne vient pas, non non, du Gévaudan, n’a toujours pas terminé sa toilette, maniaque, obsessionnelle, tout comme celle de ses cousins les chats domestiques) : je vais vous présenter

La panthère des neiges.

(Dehors, j’ai oublié, tout était recouvert de neige, d’une épaisse couche de neige, fraîche et duveteuse, de la bonne poudreuse, toute nouvelle du jour, assourdissant les sons, les renvoyant en un écho diffus, ouatiné).

1) Portrait de la bête :

La panthère des neiges réside habituellement en Asie, sur les hauteurs des montagnes. Surtout au Tibet, parfois au Népal, ou encore en Inde, au Pakistan, en Russie, Afghanistan ou encore Mongolie.

(Oui oui, on est bien en Asie, Shiva nous suit).

Elle y vit des proies qu’elle attrape : des proies pouvant être trois fois plus grosses que leur prédateur, tels bouquetins, mouflons et autres ongulés de ces lieux périlleux. Mais aussi tout ce qui bouge et qui se mange, voire, quand rien ne bouge, des végétaux (mousses, etc …) qu’elle peut trouver là.

Elle a aussi tendance, en période de famine (= quand il n’y a même plus de lichens), à descendre chasser au milieu des troupeaux domestiques, ce qu’elle ne fait néanmoins qu’en dernière extrémité (contrairement au renard qui, lui, kiffe les poulaillers, vous l’aviez remarqué).

Bref, c’est un peu comme le loup en France : ses rapports avec les humains du lieu sont un peu périlleux.

Pourtant la panthère des neiges est difficile à surprendre, c'est un félin extrêmement craintif. Un peu comme le loup chez nous.

Il en subsisterait aujourd’hui environ 5000 à travers toutes les montagnes qui constituent son habitat.
Bref, ce n’est pas le dernier des mohicans, mais on n’en est pas loin : l’animal redoutable, fait partie des protégés du WWF (au même titre que d’autres raretés, comme le renard statistivore déjà évoqué).

Il suffit de regarder la panthère des neiges pour deviner la première cause de son extinction : sa fourrure.

La panthère des neiges est en effet, comme vous avez déjà pu le voir en photo, un félin magnifique, pourvu d’une fourrure épaisse (qui la garantit contre le froid) et mouchetée qui lui permet d’assurer un parfait camouflage dans son biotope. Sa couleur grisée lui permet de se confondre avec la neige et les roches.

Pour atteindre ses proies, ce félin, assez trapu, est capable de bonds prodigieux, qui font de lui un prédateur redoutable.

Elle mange lentement, restant souvent plusieurs jours à côté d’une proie pour en éloigner les vautours et les corbeaux. Quand elle parvient à capturer des proies plus grosses qu’elle, la panthère des neiges s’en repaît pendant plusieurs jours, en montant férocement la garde auprès de son butin.

Parfois, elle cache sa nourriture.

Les animaux qui composent le régime alimentaire de la panthère des neiges deviennent malheureusement de plus en plus rares (chasse intensive, braconnage...) et la panthère se tourne donc de plus en plus fréquemment vers le bétail, provoquant la colère des éleveurs. Les dures lois de la concurrence entre animaux chasseurs et humains chasseurs sont ainsi faites …

En outre, elle est contrainte de survivre sur des territoires de plus en plus réduits, et hostiles, du fait de l’expansion des terres agricoles. Sa population est très fragmentée, environ 5000 individus comme nous l’avons déjà dit : trop peu pour assurer sa survie dans un futur proche.

L’inaccessibilité de son habitat naturel, sa faible densité de population et son caractère très farouche expliquent par ailleurs notre faible connaissance du mode de vie de ce félin à l’état sauvage. Disons qu’elle cultive un certain secret, le terme n’est, ici, pas surfait.

Nous détenons, ainsi, beaucoup moins d’informations sur la panthère des neiges que sur les autres léopards. Cette espèce a su s’adapter aux montagnes de Mongolie, du Kirghizstan et du Pakistan, où un froid intense et des vents violents règnent en maîtres sur des pics vertigineux. Pour supporter des conditions climatiques extrêmes, ses poils sont plus longs et plus épais que ceux des léopards des contrées chaudes. Sa longue queue touffue, qui peut mesurer un mètre de long, lui sert « d’écharpe » lorsqu’elle se met en boule pour se protéger des tempêtes.

L’once change d’altitude selon les saisons : en été, elle se déplace sur les hautes crêtes rocheuses, jusqu’à 6’000 mètres d’altitude ; en hiver, elle maraude à plus basse altitude, au pied des montagnes, en suivant les migrations de ses proies, évitant ainsi les rigueurs du climat.

Voilà donc le portrait de la bête qui fait peur.
Mais vu ses capacités de saut, notez que les humains qui rasent les murs
Du labo
Ont un petit air ridicule : si elle voulait
Leur peau
Depuis longtemps, elle leur aurait (sans jeu d’mot)
Sauté dessus. Vue la taille, largement inférieure à sa longueur de saut standard, de la pièce.

D’ailleurs, voilà encore un humain, qui précautionneusement, de la pointe des pieds, rase le mur opposé, tremblant, tout en lorgnant de côté, surveillant, que la bête effrayante ne tourne point les yeux de son côté …

Quand, tout à coup, interrompant tout, voilà Martin Soares qui entre, sifflotant tranquillement, une couronne de plumes chatoyantes à la main (tiens, vous vous êtes enfin décidé à dépoussiérer les plumes de la fameuse couronne qui est derrière votre bureau ? Ah, les plumes sans le goudron – pour ne point dire la nicotine, parce que la nicotine ici, c’est interdit, vous le savez – c’est tout de même beaucoup mieux !).
D’un air très familier, il fait : « tiens, tu es ici ? ». Et le gros chat répond d’un regard qui veut dire :
« oui ».
Martin Soares entre dans le bureau devant lequel a élu domicile l’once, ferme la porte (au passage, on entr’aperçoit un univers louche, des colliers de coquillages semblent orner les lampes de table, je crois apercevoir une lance –qui n’est pas du crépuscule, quoique … - et, enfin, des statuettes que ne renierait pas Allan Kardec qui, lui, attend toujours ses offrandes de clopes et de canettes de coca dans la bibliothèque, parsèment tout le bureau. Bien sûr je ne mentionnerai pas, au milieu de tout cela, l’herbe et la petite fumée, car c’est strictement interdit, donc ça n’existe pas. Déjà, dans le bureau de Shiva, ça sentait l’encens, c’est bien assez. Vlan, la porte est fermée).
On entend les bruits d’un tabouret qui est déplacé, puis de coups de marteau sur des clous, puis le silence de Martin Soares, tout content de sa couronne de plumes pimpante, accrochée au mur derrière son bureau.
Dont il re-sort.
« Mais, tu n’as pas mangé depuis combien de temps, toi, au fait ? Tu es aussi maigre que moi, on dirait ! ».
Et Martin Soares, sous le regard d’un coup intéressé du félin, va chercher dans la bibliothèque du CREA’tif : une énorme gamelle, adaptée à la taille du gros chat, qu’il remplit de croquettes, prises dans l’énorme paquet, à moitié dissimulé, derrière le dernier rayonnage, au fond : celui où il est marqué « fonds Philippe Jacquin ».

Tiens donc, je crois que l’animal a trouvé plus intéressant que poursuivre sa toilette : de la bonne viande ! En poudre. Oh, certes, cela ne vaut pas un bon quartier de mouflon, ou de bouc … mais mieux que le lichen trouvé sur le chemin, en sortant de Sibérie, juste avant la taïga.
Martin Soares, l’air insouciant, s’en va vaquer à ses occupations, cependant que la redoutée panthère finit son assiette, que dis-je, son bol, son seau, de croquettes spéciales grand fauve.

En sortant, Martin Soares passe devant le bureau où est la statuette de Shiva, qui lui tourne alors ostensiblement le dos, croisant ses quatre bras d’un air de dire :« je ne te connais pas ». Bah, il fait ça à chaque fois, il ne faut pas y prendre garde : c’est devenu une véritable coutume du lieu. D’ailleurs, c’est bien réciproque.
Et en réalité, mais il ne faut pas le dire : ils se connaissent très bien. Chuuuuuut …


Cependant que Shiva fait sa mine boudeuse et que Martin Soares s’éclipse du lieu, passons au pedigree de la bête.

2) Pedigree de la panthère des neiges.

Beaucoup de rumeurs circulant, comme nous l’avons vu et rapporté dans le courriel intitulé « le monstre du labo », sur la bête, il convient ici de rétablir la simple vérité de son pedigree.

Non, la bête n’est pas apparentée à la vipère, ni au dragon (enfin, du moins, pas en ligne directe), ni même au lézard.
Une preuve évidente pourrait en être, pour tout humain sensé (c’est à dire non troublé par une peur panique), que manifestement, vipère et lézard font partie des proies de la panthère.

Or, contrairement aux êtres humains qui sont passés experts dans l’art de la guerre contre leurs semblables, jamais un félin n’a pris pour proie l’un des siens.
Enfin …
Sauf le lion, qu’il vaut mieux éloigner de ses propres petits, que, bigleux sans doute, il prend pour des gazelles ou des zèbres.

Eh oui : « qu’est-ce qu’un père ? », chez les lions, la réponse est claire : c’est un dévoreur de rejetons. Ouste le lion, laisse la lionne faire tranquillou sa famille monoparentale, ça vaudra mieux pour tout le monde.
Aussi vrai que mieux vaut un père absent qu’un père cannibale.
Mais revenons à nos moutons.
La panthère des neiges est, en revanche, de façon évidente, apparentée à la vaste famille des félidés.

Suivons cette piste.

Des traces de pattes sans griffes apparentes jonchent, précisément, la couche de neige fraîche …

Elles mènent à un cousin : le chat des forêts norvégiennes, très proche de la taïga et de la Sibérie, donc. Lui aussi, bien armé, outre les crocs et les redoutées griffes communs à toute la famille, pour tenir bon par les plus grands froids et blizzards.

La norvège nous mène à une parenté moins évidente, mais pourtant tout aussi présente : les vikings.
Déjà citée, cette peuplade, tout aussi redoutée jadis que la panthère l’est aujourd’hui, a semé la terreur par son simple nom durant des décades entières, dans toute l’Europe civilisée.

En réalité, nous explique Régis Boyer, professeur émérite de la Sorbonne (siouplè), et, surtout, spécialiste de cette peuplade si barbare, les vikings n’étaient pas des guerriers mais des commerçants.

A l’occasion, ajoute-t-il, ils pouvaient donner dans la piraterie. Notamment, comme ils n’étaient pas chrétiens, ils ne dédaignaient pas de s’attaquer à ces lieux sans défense militaire que constituaient les monastères, en particulier ceux proches des cours d’eau tels, au hasard, la Seine.
Voilà amplement de quoi forger une mauvaise réputation, à une époque où, notamment le long de la Seine, l’on pensait que chrétien = civilisé, et réciproquement, que civilisé = chrétien.
Les vikings, eux, pensaient butin, échanges plus ou moins loyaux et équitables, selon les forces rencontrées en cours de route. Pour eux, être civilisé/e, c’était donc partir en quête de butins et d’échanges plus ou moins équitables. A tel point qu’aujourd’hui encore, la traduction de l’insulte« idiot/e », en islandais, est le mot qui y sert également à dire« casanier/e ».
Finalement, comme le remarquait déjà Claude Levi-Strauss dans son ouvrage « race et histoire », nous sommes tou/te/s civilisé/e/s pour nous-mêmes, et barbares pour d’autres qui se pensent comme étant les civilisé/e/s …
Un bon livre de chevet en ce moment, ça, tiens.
Qui voudra bien nous l’offrir ?

Notons que, par l’intermédiaire des vikings, il se pourrait que l’once ait un lien de parenté indirect avec le renard : en effet, Régis Boyer nous explique que le dieu préféré des vikings, parmi les multiples idoles de leur –vaste- panthéon, était odin, dieu de la ruse en sus d’être bien sûr celui de la guerre.
En effet, odin « ne combattait jamais par lui-même, mais donnait la victoire par magie et, plus souvent encore, par ruse, voire par pure cautèle. C’est probablement ainsi que se comportaient les
« invincibles enfants du nord » » (Boyer, Les vikings, 2004, p 102).
Pour leurs coups de main, « les vikings firent preuve d’une habileté extrême à exploiter les chances offertes par la situation. (…) leur arme majeure est la ruse, l’effet de surprise, la tactique que nous pourrions dire de commando, par petites bandes, à coups répétés ( …) sans jamais s’attarder ni s’aventurer au-delà du but visé. (…) Ils se sont documentés, dirions-nous, ils savent quel est le point vulnérable à toucher – jamais un lieu fortifié, ou alors, à un moment où personne n’est sur ses gardes -, d’ordinaire une église, une abbaye, tout endroit sans défense et prometteur de trésors ou autre
butin » (pp 101-103).
Bref, les valeureux guerriers semblent surtout, tels messire renard, férus de poulaillers sans défense…
Notons que l’once ne fait pas autrement, quand elle se tapit en quête de bouquetins, mouflons ou bêtes de troupeaux sans défenses …

En outre, il me faut rappeler l’organisation politique des vikings, que nous pourrions qualifier d’anti-empire : comme nous l’avons vu cet été, ce qu’ils/elles nomment leur « roi » n’est qu’un garant de paix, est élu au suffrage censitaire et par consensus entre groupes locaux, peut être révoqué par renversement symbolique de la pierre qui fait trône, voire sévèrement sanctionné (mort ou à défaut bannissement) s’il s’attaque à l’un/e de ses sujets. Qui n’ont de sujets que le nom, tout comme le roi n’a de roi que le nom : la traduction est, donc, de médiocre qualité.
En effet, contrairement à nos rois, qui tenaient leur pouvoir de Dieu, ce « roi » là « restait soumis à la loi, il ne la dominait pas ». Pis : il se devait d’exécuter les volontés de ses électeurs, sous peine de risquer gros.

Bref, nous ne sommes pas loin de la « société contre l’Etat », décrite par Pierre Clastres dans l’ouvrage du même nom, qui concerne, lui, des proches d’autres apparenté/e/s de la redoutée panthère des neiges : les shuars, plus connu/e/s sous le nom d’indiens jivaros, dont le territoire est une partie de la forêt amazonienne.

Notons d’ores et déjà que « jivaro » signifie « sauvage, barbare ». Par conséquent, et comme ils/elles le réclament, nous les nommerons désormais« shuars ».

Un tour sur wikipédia nous résume que « Leur réputation ancienne de guerriers farouches et redoutés, jaloux de leur indépendance, est attestée dans les annales de l’empire Inca par la défaite qu’ils font subir aux armées de l'Inca Huayna Capac, mettant ainsi fin à son extension vers le nord-est. ».
Pour rappel, l’empire Inca fut notamment cet empire qui pratiquait les sacrifices humains rarement mais résolument, lors de ses crises sociales ou encore de maladies et autres affaiblissements de l’empereur, afin d’alimenter le soleil (en gros, pour éviter qu’il ne s’éteigne). L’empereur étant bien sûr conçu comme lié au soleil. Les sacrifiés étaient prioritairement, chez les Incas, des sacrifices d’enfants. Les petits suppliciés étaient considérés comme des ambassadeurs de l’au-delà.
Parfois, les familles faisaient don de la vie de l’un de leurs enfants mais parfois, le sacrifice leur était imposé.

Dans cet empire de plus de 12 millions de sujets, les sacrifices d’enfants faisaient partie du besoin d’unification. Les prêtres obtenaient des enfants de tout l’empire et récompensaient les familles par des fonctions gratifiantes ou des biens matériels. (source : ce site internet).

Mais c’est, bientôt, un autre empire, en train de se faire (reconquista oblige), qui débarque :

« Les Espagnols sont attirés dès 1550 vers les terres orientales par la rumeur d'abondants gisements d’or. »

Notons que si les espagnols ont si bien réussi à vaincre l’empire Inca notamment, c’est parce que beaucoup de peuplades locales en avaient tellement marre de cette tyrannie, qu’elles ont tout d’abord fait alliance avec ces nouveaux venus … changeant ainsi, au final, de tyrans.

Les shuars, quant à eux,

« réussissent avant la fin du siècle à les repousser en masse vers les hautes terres, et à interdire l'accès à leur territoire à toutes les expéditions montées à partir des Andes par les autorités de Quito pour tenter d’établir le contrôle de la monarchie sur les zones aurifères.

Ces succès, obtenus au prix de nombreuses vies indiennes, et sans doute pour une bonne part grâce au milieu hostile de la forêt amazonienne que les indiens connaissent parfaitement, ainsi que la découverte par les Espagnols de la pratique shamanique des « têtes réduites » (tsantzas) ont produit l’image caricaturale qui a encore cours aujourd’hui du sauvage jivaro coupeur de têtes.

À partir de 1640, les missionnaires jésuites, essaient à leur tour d'entrer en haute Amazonie, n'ont pas plus de succès et ne parviennent jamais à établir au sein de l'immense territoire une mission durable. L'échec répété de ces coûteuses expéditions, tant civiles que missionnaires, amène finalement la Couronne à les interdire au début du XVIIIe siècle.

La période suivante, jusqu’à la fin du XIXe siècle, permet aux Jivaros la reprise démographique et territoriale face à l’arrêt de la ligne de colonisation, matérialisée par une poignée de hameaux isolés habités par de petits groupes de colons laissés à eux-mêmes. C'est ainsi l’un des rares groupes indigènes de la région à survivre sans dommages au grand boom du caoutchouc dans les années 1880-1910. ».

***

Bref, on commence à comprendre la peur suscitée par la bête … et la réputation d’êtres particulièrement féroces qu’ont les shuars, due avant tout à leur résistance opiniâtre et légitime à la conquête espagnole.

Les têtes réduites, quant à elles, semblent une coutume particulièrement barbare, mais il faut noter qu’il s’agissait d’un acte commis post-mortem, donc rien à voir en réalité avec la barbarie du tortionnaire sévissant dans pas mal de pays d’Amérique latine durant les années 1970 (et, cf Alice Verstraeten, le tortionnaire y tient son « savoir » à la fois des nazis européens et des tortionnaires ayant sévi durant la guerre d’Algérie, notamment). En outre, la tête réduite était une forme de reconnaissance de l’existence de l’adversaire et de sa dangerosité, qu’on cherchait à enfermer dans sa tête ainsi réduite et close. Nous sommes loin du traitement fait à « l’ennemi intérieur », durant les années 1970, dans les dictatures d’Amérique Latine : souvent kidnappé, puis transporté par exemple en avion, et largué vivant dans l’océan, simplement endormi au penthotal. Il pouvait être ensuite nommé « desaparecido » (disparu/e), voire son état civil lui-même pouvait disparaître (cf encore une fois les travaux d’Alice Verstraeten).
Ainsi raye-t-on les gens de l’Histoire de l’humanité … les têtes réduites, elles, les y intégraient à leur manière, certes rebutante puisque guerrière.

Notons d’ailleurs à présent que la panthère des neiges ne semble avoir aucun/e ancêtre, ni aucune parenté, parmi les colonisateurs, les empereurs, aucun lien avec Napoléon Bonaparte, Jules César ni Attila le Hun. Ni même Robespierre, pourtant Montagnard. C’est dire. Elle est de surcroît trop lunaire pour vouloir être vénérée tel le soleil, et voue une abhorration profonde et viscérale au confucianisme profondément lié à l’empire du milieu.

Mais outre ses liens forts avec les vikings venu/e/s des hostiles étendues glacées, et les shuars venu/e/s de l’hostile jungle amazonienne, elle semble devoir une partie de son pedigree à des peuplades plus proches géographiquement de la France.

En premier lieu, étonnant n’est-ce pas, on lui trouve des ancêtres et cousin/e/s parmi ces chasseurs de bouquetin des Alpes et leurs villages, regroupés depuis 1343 en « escartons ». Ici, ni réductions de têtes ni piraterie (quoique … le trafic de moutons à travers les cols périlleux), mais simplement un ensemble de communes vaste qui a racheté à cette date sa liberté au Dauphin, ce qui donnera un régime ressemblant beaucoup à celui des vikings, le « roi » en moins. Ce, jusqu’en 1789, où le centralisme jacobin met fin à cette autonomie. Les montagnard/e/s qui savent depuis longtemps lire et écrire, parce qu’ils/elles ont mis en place un système d’instruction hivernal pour leurs enfants, c’est ici, et ce, bien avant 1789, sans attendre Jules Ferry …

Juste à côté, nous pouvons citer Guillaume Tell, qui refusa de faire les courbettes de rigueur et donc de se reconnaître comme inféodé au seigneur du lieu. Cela faillit lui coûter cher, mais il était aussi habile au tir à l’arc que l’est le félin avec ses griffes et crocs. Et cela mena donc à un régime politique radicalement différent de celui de l’empire ou de la royauté, basé sur la citoyenneté et non la sujétion. Ce, bien avant 1789 et ses multiples et sanguinaires guillotines, encore une fois.

Bon, bien sûr, on ne manquera pas de m’opposer ce qu’est la Suisse aujourd’hui : un pays sécuritaire et raciste, qui a voté (par référendum comme l’y exige la coutume locale) contre l’existence de minarets sur son sol, et n’aura donc jamais de monuments tels l’Alhambra de Grenade, tant pis pour elle. Mais cette ambiance étant aussi prégnante actuellement dans certains pays voisins (je ne citerai pas de noms), on peut poser la question de l’absence de liens entre cette vilaine ambiance et le régime politique du lieu.

Un peu plus bas dans la plaine, notons enfin une lointaine parenté par cousinage avec la commune de Venise. Eh oui, après l’hostile froid du grand nord et des montagnes de divers continents, l’hostile jungle amazonienne, nous voici retranché/e/s dans les hostiles marais où se trouvent, aujourd’hui encore, la lagune, la ville et ses canaux. Encore une histoire de fuite devant des vélléités d’inféodation plus ou moins brutales, de marginalité et d’autonomisation croissante, je crois …

Venise, la petite cité qui monte, qui monte, qui monte, est en effet devenue, au fil du temps, un centre commercial incontournable, du fond de son marais.

Pourtant, personne n’y croyait, puisqu’on répétait, avec obstination : « tous les chemins mènent à Rome ».

Rome ? Bof.

Mais pour finir, sur un frêle et maniable esquif – viking par exemple – traversons l’Atlantique nord, et notons un dernier élément du pedigree de la bête, dont on a déjà amplement commencé à comprendre pourquoi elle n’en fait décidément qu’à sa tête : les black panthers, qui pourraient ne pas être pour rien dans les tâches noires du pelage de l’animal. La panthère avait été choisie pour emblème de ce mouvement car « la panthère noire est « un animal sauvage qui, si on l’attaque, ne reculera pas. Cela voulait dire que nous riposterions si nous le devions [...] » »

Voilà. Si les gens qui ont à traverser les lieux où elle semble avoir élu domicile ont peur d’elle, que ce soit donc pour de bonnes et valables raisons, et non sur la base de rumeurs et autres racontars qui n’ont ni queue ni tête.
A bon entendeur, salut.

Et en bonus pour celles et ceux qui aiment le bon son :

« libérez la bête » :



Et puis deuxième bonus avec les images en sus : « la créature ratée »:



A miaou sound system production.






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