Qui n'a rien à voir
Ni avec vous ni avec moi."
Courriel du 10 septembre 2010, 12H32 (extrait)
Les gens en ont marre d’avoir peur.
C’est à dire le supprimer, l’évacuer, l’exorciser. Le mettre dehors. Et vite.
Ce dernier argument, surtout, fait l’unanimité.
Mais l’animal vient ici libre, de l’extérieur, et semble n’avoir de relations avec aucun des maîtres du séant.
Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux lors du "discours de Grenoble", le 30 juillet 2010 |
D’autant plus qu’il a fauté, ayant sauté, c’est bien connu, sur tous les humains qui ont tenté de l’approcher en ce lieu, avec férocité, toutes griffes dehors, et ces derniers n’ont du leur salut qu’à leurs réflexes, heureusement fort rapides.
Et c’est dans cette relative paix, que l’once entend, un à un, les petits groupes monter l’escalier, et entrer dans la pièce.
De tous ses sens, elle perçoit très bien l’hostilité, mais fait mine de continuer à dormir.
Le temps d’examiner,
Qui a apporté quoi.
En effet,
Chaque groupe a apporté quelque objet.
Des objets pour chasser, mettre dehors, l’animal indésirable, l’intrus, le nuisible.
L’ennemi du collectif, l’asocial, le destructeur. J’ai nommé : le grand fauve sauvage, la panthère des neiges.
L’once pense aux troupeaux d’animaux qui sont ses proies. Cela ressemble à ces comportements. Mais les proies, elles, ont de bonnes et valables raisons.
Dans la bibliothèque, juste à côté, André Leroi-Gourhan récapitule les 4 tomes de son grand ouvrage sur l’Homme et l’outil …
Mais alors que, joignant le geste à la parole, elle commence à tenter de subtiliser à l’once son trophée, le félin fait, instantanément, barrage de sa large stature, et, silencieusement, lui répond du regard, qu’elle a alors glacial et meurtrier : « tu ne touches pas. C’est ma proie. Tu n’as aucun mérite. Tu fais un centimètre de plus dans ma direction, et je te happe la main ».
Ben voyons.
Le vol de trophée : rien ne me sera décidément épargné … après avoir été traînée, ou plutôt noyée, dans la boue.
L’once sent l’odeur, qu’elle reconnaît bien : c’est l’apothicaire, enfin.
Ah oui.
La panthère y a beaucoup cogité, à cette mauvaise odeur : elle croyait que cela sentait l’humain, mais non, c’était autre chose, puisque les humains lui assuraient, avec obstination, que cela sentait le fauve. Elle a compris petit à petit.
A quoi ressemblait donc cette odeur, présente ici et dehors dans le pays ?
Finit de monter, pour déboucher,
Sur la grande salle centrale, où l’attendent tous ces gens, attroupés.
Il en f’rait
Qu’une bouchée.
C’est assuré.
Le chat du logis ?
Ne me désigne pas comme une proie
Sans quoi
Je serai obligée de me défendre contre toi.
Ne me désigne pas comme une proie
Je suis le chat du logis
Et tu n’as aucun droit
De me chasser ainsi.
Issu des désirs des un/e/s et des autres ici.
Laissez-moi vous narrer
Ma généalogie
Après mon pedigree.
Que je n’ai pas l’âme d’un bouc
Fut-il émissaire
Le bouc
Etant précisément ma proie
Tout comme les émissaires d’l’accusateur indigne. »
Si elle n’était qu’un petit chat, les pierres depuis longtemps l’auraient clouée à terre.
Ca les démange, hein, de balancer les pierres.
Mais ils/elles ont peur, hein, de balancer les pierres
Sur la panthère
Qui pourrait bien bondir, tous crocs dehors
Sur les jeteurs de pierres
Ainsi s’instaure un équilibre de la terreur, interminable, durant lequel l’apothicaire continue d’exhorter, par ses accusations, ses peureuses troupes.
Ne me désigne pas comme une proie
Je suis le chat du logis
Et tu n’as aucun droit
De me chasser ainsi.
A te considérer comme proie.
Issu des désirs des un/e/s et des autres ici.
Laissez-moi vous narrer
Ma généalogie
Après mon pedigree.
Je déclenche des tempêtes
Avalanches
Qui dévalent sur vous
Quand vous bafouez nos valeurs.
Quand vous salissez la neige.
La maculez de boue.
Le plus élémentaire
Du aux orisha du lieu.
Je fais partie d’entre eux.
Car je veille sur la neige,
Comme mon père Oxala,
Le gardien de la paix
Dont on redoute les crocs
Tant et si bien
Qu’ils ne servent jamais.
Vous ne pouvez me chasser.
J’ai mangé ici,
J’ai dormi ici,
Vous m’avez nourri,
Vous ne pouvez plus me renier.
Créé par les désirs des habitant/e/s du lieu.
Tue-t-on les fruits de ses désirs ?
Car vous m’avez créé
Héritier d’exu,
A qui je dois les tâches noires de mon pelage.
L’ouvreur de chemins
A qui vous devez tou/te/s le respect, en premier dans la cérémonie,
Sous peine d’encourir sa fureur.
Vous renierez aussi
Toutes ces divinités.
Elles déserteront
Votre imaginaire
Et vous serez condamné/e/s
A la stérilité
Vous ne produirez
Que des écrits standardisés,
Aseptisés,
Sans odeurs, ni couleurs, ni saveurs.
Et ne peux vous laisser faire cela.
Et lâchez dehors toutes ces pierres
Elles serviront aux champs,
Où elles agrémenteront ma sœur, la terre. »
Qui réplique :
Ote ton doigt de devant ma face,
Avant que tu ne trépasses
Je suis le chat du logis
Chassant pour toi les proies
Et t’apportant les ingrédients issus d’elles
Nécessaires pour tes potions.
Sans moi,
Tu deviendrais un vulgaire pharmacien.
Est-ce là ce que tu veux, stupide être humain ?
Sache-le
Est comme la sorcière sans son chat noir et son chaudron. »
Ainsi se poursuit
Le dialogue belliqueux,
Entre l’animal boueux
Et l’humain auquel elle rapportait ses cadeaux les plus précieux,
En échange du titre
De cette tragédie ?
« Avant de rompre l’alliance
Séculaire
Entre les félins et les humains
Considère
Cher apothicaire
L’historique de nos relations.
De la famille féline
Ont été de longue date
Tes commensaux
Mais jamais tes vassaux.
Tes silos à blé
Et avons pour cela
Eté vénérés
Dès l’égypte antique.
En échange du feu de ton foyer
Les rongeurs de tes granges.
Cher apothicaire,
De cette époque
Celle de la chasse aux sorcières
Où mes semblables
Furent cloués vifs aux portes
Chassés des foyers
Comme animaux du diable.
Comme héritiers d’exu.
Cher apothicaire,
De cette époque,
Celle de la chasse aux sorcières
Où les rats, et la peste qu’ils portaient
Proliférèrent.
Nous chassions pour toi les rats
Et te garantissions de la peste.
Tu nous as chassés de chez toi
Et as récolté la peste.
Cher apothicaire,
Que ton commensal
N’est pas un simple parasite
« Je suis le chat du foyer »,
Je ne dis pas autre chose
Que
« Je suis son protecteur ».
Cher apothicaire,
Que choisiras-tu ?
Que choisirez-vous ?
Historique
Des humains et des félins ?
Ou bien
Sera-t-elle ici et maintenant
Renouvelée par tes soins ?
Ou me les jeter à la face sur tes ordres, qui sont en réalité les ordres de chacun/e ? »
Lecteur, lectrice, la question t’es posée, je crois, à toi individuellement et personnellement.
Sans hésiter je renouvelle l'alliance avec les félins, cette chère panthère des neiges ! (trop belle d'ailleurs !) ;)
RépondreSupprimerClémence