Le
courriel ci-dessous reproduit a été mis comme pièce à charge dans le
dossier pénal constitué contre son auteure, Sophie Perrin. Il est censé y
illustrer sa violence, sa virulence, sa volonté de harcèlement moral envers
l’université Lyon 2 et/ou ses membres, etc, par l’envoi « de centaines de
messages électroniques à une liste mail constituée de centaines de
destinataires ». Il constitue ainsi les pages 52 à 61 d’un dossier de 200 pages
de ces insupportables courriels qu’il faut à tout prix faire cesser, soit 4,5%
de ce dossier, ce qui, cumulé avec les pièces précédentes, nous mène à 17% de ce volume.
Il
comporte une première grande partie, constituée de réflexions critiques autour
des concepts de harcèlement moral, de pervers narcissique, de victime… cette
partie est largement appuyée sur un texte trouvé sur internet, à cet endroit.
Ensuite, nous assistons en direct dans le courriel à une irruption intempestive
de la voix off…dont nous allons découvrir, en fin de ce couriel, surprise, la
véritable identité !
Ca, une pièce à charge ? Des propos condamnables pénalement ?
Que mon public juge, sur pièce, encore une fois.
Envoyé le : Mer 13 octobre 2010, 16h 36min 27s
Objet : de la victime au conflit ? ou l'inverse ...
Que les rares personnes qui vont recevoir ce mail en
doublon m'excusent : c'est que gmail est vraiment une petite nature (ou alors,
il a voté la grève reconductible ce matin, pour garantir nos retraites
). Hop, un p'tit tour par yahoo et ça passe
(et ensuite, je vais encore avoir pendant 7 jours à taper un code à chaque
envoi de mail pour bien vérifier que je ne suis pas une machine ... tssss.
Il y a trois ou quatre ans, ni yahoo ni google ne
faisaient tant d'histoires).
Notez que c'est sophieperrinbis-universite, et non
sophieperrin.universite, l'expéditeur, car cette dernière adresse est toujours
censurée par le serveur de Lyon 2 suite à intervention humaine manifeste.
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Allez, à mon tour d'apporter quelques pierres au débat.
Premier envoi du jour : une réflexion sur la victime qui
n'y est pour rien dans ce qui lui arrive, car elle n'a pas eu de chance et
s'est retrouvée face à un horrible pervers narcissique.
En plus, ça peut intéresser tou.te.s les syndicalistes
présent.e.s sur cette liste (sans parler bien sûr des chercheurs.euses qui
bossent sur le travail).
Je vous dirai d'où ça vient un peu plus tard.
"Les impasses du harcèlement moral
Du domaine des attentats et des catastrophes, les
problématiques victimologiques ont gagné le champ du travail. Des cliniciens
ont souligné que nombre de situations de souffrance au travail impliquaient la
responsabilité de tiers et imposaient de passer d’un modèle de la souffrance
trouvant son origine dans l’histoire infantile, à un modèle impliquant un
agresseur et une victime.
Cependant, même si elles introduisent, en position
tierce, la société, ses règles et son système judiciaire, les approches du type
harcèlement moral en restent à une représentation élémentaire qui ne prend pas
en compte la réalité des enjeux et des contextes autour desquels se nouent ces
drames.
Ce contexte est marqué par la diffusion de nouvelles
modalités de conflits qui, dans la plupart des cas, ne trouvent pas à
s’exprimer dans les formes collectives héritées des époques antérieures. En
arrière fond, il y a les mesures de libéralisation des 25 dernières années et
l’exacerbation de la concurrence qu’elles ont délibérément suscitée, avec pour
résultat, dans le domaine qui nous occupe, une très nette intensification du
travail. Les conséquences en termes de pathologies physiques et mentales sont
connues (Davezies, 2003).
Mais ces évolutions ont aussi transformé la nature des
relations nouées autour du travail. En effet, l’intensification se traduit dans
de nombreux secteurs par une pression à l’abattage. Entre le manager focalisé
sur ses indicateurs de gestion et le technicien qui engage son identité sur la
qualité de son travail, le fossé se creuse. Au détriment de la qualité. Chacun
se débrouille alors comme il peut avec les manquements qui lui sont imposés.
Les repères communs définissant un travail bien fait s’estompent, des
dissensions surgissent entre collègues, le sentiment de valeurs partagées tend
à se dissoudre et avec lui la solidarité, la capacité collective à affirmer le
point de vue du travail face à l'abstraction de la prescription.
A la mesure de cet affaiblissement, s’installe une
extrême sensibilité aux remarques de la hiérarchie ou du public. Dans de telles
situations, nous observons, chez certains agents, un désarroi extrêmement
profond.
L'activité en mode dégradé imposée par la pression à
l’accélération est vécue dans le registre de l’indignité personnelle. Des
salariés se trouvent, face aux observations et remontrances, dans l'incapacité
de savoir comment orienter leur activité pour la rendre conforme aux attentes
de la hiérarchie, jusqu'à des états d'inhibition susceptibles de mettre
gravement la santé en danger.
C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’explosion du
thème du harcèlement moral. L’accusation permet d’exprimer à la fois le
sentiment d’une illégitimité des pressions auxquelles on se trouve soumis et
l’individualisation des dilemmes et des conflits du travail. Cependant, le
diagnostic de harcèlement moral ne fait pas que nommer la situation. Il a un
effet de mutation, souvent exprimé sur le mode de la révélation : « Pendant des
mois, j'ai souffert sans comprendre ce qui m'arrivait. Maintenant je sais -
j’ai lu Hirigoyen - je suis victime d'un harcèlement moral ». Il y a avant et
après. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait ; dorénavant, je sais : je suis
une victime.
A y regarder de près, cette transformation pose au moins
deux questions : celle des critères de ce diagnostic, celle de ses effets sur
la personne.
Le diagnostic est généralement posé par des praticiens
qui n’ont aucune formation en clinique du travail. Ignorer le travail conduit
logiquement à des explications en termes de psychologie individuelle. Le
clinicien tente bien de distinguer ce qui relève des pressions légitimes
concernant le travail à fournir et ce qui relève du harcèlement moral. Mais il
ne perçoit pas qu’il existe aujourd’hui un très grand trouble sur la définition
du travail, et que les discours à ce sujet sont bien souvent paradoxaux. Ce caractère
paradoxal devient donc, pour lui, l’indice d’une personnalité perverse. Le
diagnostic est porté sur le constat que " les procédés de l’agresseur ne
suivent pas les règles habituelles de la pensée logique, ni celles de la raison
" (Kreitlow, 2002). Sans voir que, dans nombre de situations, c’est
l’organisation du travail, non la structure de personnalité du chef, qui est à
l’origine de comportements qui semblent échapper à la logique et à la raison.
A partir de là, la victime voit ses perspectives s’assombrir.
Le message qui lui est adressé est terrifiant : vous êtes confronté à la
volonté de destruction d’un pervers narcissique. Vous êtes engagé dans un
combat à mort. Beaucoup d’éléments laissent penser que cette interprétation
peut avoir, par elle-même, un caractère traumatique. Parce qu’elle est en
grande partie impensable et parce qu’elle ne semble pas ouvrir sur des
modalités de résolution favorables aux victimes.
La question de l’impensable est très importante.
Hirigoyen (2001) le souligne : dans le harcèlement moral, « ce qui rend fou,
c’est la perte de sens ». Mais le diagnostic lui-même participe à cette perte.
Parce qu’il ne parvient pas à aider la victime à penser la situation, le
psychiatre la considère comme vide de sens. La notion de pervers narcissique
exprime alors le renoncement à pousser plus avant l’analyse. L’interprétation
accentue à son tour l’incapacité de la victime à penser son histoire : elle est
tombée sur un pervers comme d’autres sont pris dans un tremblement de terre. C’est
cette incapacité à donner sens à une histoire qui s’est pourtant bien jouée
dans le domaine des relations interhumaines qui lui confère son caractère
traumatique.
A partir de là, l’évolution est incertaine. Il est
parfois présumé que la reconnaissance par la justice a un effet thérapeutique.
Il s’agit d’une croyance qui ne repose sur aucune donnée scientifique. Dans
certains cas, la quête d’une réparation judiciaire pourrait même entraver le
processus de guérison (Regehr, 2002).
Par ailleurs, de forts doutes existent aujourd’hui quant
à l’efficacité des méthodes courantes de prise en charge des traumatismes
psychiques. Le domaine le plus documenté est celui du debriefing psychologique
mis en oeuvre dans les suites d’un stress aigu. Or les évaluations actuelles
soulignent que cette modalité de prise en charge pourrait être sans effet sur
l’évolution, ou même avoir un effet négatif en matière de santé, y compris
lorsque les victimes affirment que cela les a aidé (Arendt M, 2001 ; Van
Emmerick AA, 2002).
Au premier rang des hypothèses envisagées pour expliquer
ces constats, il y a l’idée que la prise en charge spécialisée participe à une
disqualification du soutien que pourraient apporter les proches dans la famille
ou au travail. Fassin et Retchman (2002) soulignent d’ailleurs, à partir de
l’étude du cas d’AZF, la « mise à distance des profanes » et « la
disqualification des techniques ordinaires de consolation ». La seule
communauté d’appartenance proposée par le diagnostic est celle des victimes.
Au final, nous constatons que, très généralement, les
salariés perdent leur emploi, n’obtiennent pas réparation devant la justice et
présentent des séquelles traumatiques graves qui témoignent de la difficulté à
intégrer cet épisode dans leur histoire.
Il y a lieu de s’interroger sur ce que recèle de violence
un diagnostic qui transforme le patient en victime. En effet, démontrer que
quelqu’un est une victime implique une double affirmation : d’une part, son
malheur trouve son origine dans un phénomène hors du commun, ce qui justifie
une réparation particulière ; d’autre part la victime n’y est strictement pour
rien, la responsabilité de l’agresseur est donc indiscutable. Cette
démonstration tend ainsi à aggraver la distance de la victime à sa communauté
et à sa propre histoire.
Mais le même drame peut être envisagé sous un autre jour.
L’expérience montre en effet que l’on retrouve quasiment toujours un conflit de
travail à l’origine de la dégradation de la relation. Au travail, ce qui relie
les humains, ce n’est pas d’abord le sentiment ; c’est la confrontation de
points de vue sur les façons de traiter les objets du travail. A l’origine de
ces conflits, il y a toujours des différents sur la façon de se comporter
vis-à-vis de tel ou tel de ces objets. L’expression des personnalités en
présence donne ainsi expression et forme à des contradictions et conflits de
logiques tout à fait réels qui traversent l’entreprise.
Dans un second temps, l’absence d’issue se traduit par
une dégradation des relations dans lesquelles la haine peut prendre une place
croissante et réaliser un tableau qui légitime le diagnostic de harcèlement
moral. Contrairement à ce que postule le modèle victimologique, la dégradation
ne s’est pas produite indépendamment de l’histoire personnelle de la victime.
Les cliniciens du harcèlement soulignent systématiquement que le harcelé est
généralement quelqu'un qui aime son travail : « Il existe un curieux phénomène
qu’on peut observer chez les victimes de harcèlement. Ces personnes ont, en
effet, développé un sens de l’esthétique et du beau, de l’harmonie des choses
et du travail bien fait » ( Kreitlow, 2002).
Ne pas pousser l’élaboration du côté de ces dimensions
positives de l’engagement revient à priver la victime d’une ressource
importante pour sa reconstruction. Derrière l’affrontement des personnalités,
apparaît un conflit de valeurs dont l’élucidation rend la situation
intelligible. Il est ainsi possible de réinscrire l’épisode dramatique dans le
monde de l'action humaine.
Mais ce gain de compréhension quant aux perspectives en
présence est aussi un élément de reconstruction des liens sociaux dans la
mesure où c’est sur la base de perspectives et de valeurs partagées que se
construisent les causes communes et les solidarités. C’est aussi ce qui
permettra d’interroger l’organisation du travail.
Le problème auquel nous sommes confrontés est donc
délicat. Il est évidemment nécessaire de s’interposer lorsque des salariés sont
soumis à des agissements qui menacent leur santé et, de ce point de vue, nous
partageons le souci des promoteurs de la notion de harcèlement moral.
Cependant, cette notion est aujourd’hui associée à l’idée d’une attaque par un
pervers narcissique. Cette interprétation fixe l’incapacité à penser la
situation, à en débattre avec autrui et à agir pour lui donner une issue
créatrice.
Opter pour le harcèlement moral revient, de ce fait, à
engager la victime dans une problématique de rupture. Au contraire, orienter
l’élaboration dans le sens du conflit permet un travail de liaison au plan
social comme au plan psychique. Car, comme le soulignait Simmel, le conflit
fait lien. La préservation de la santé et de l’insertion sociale comme le
retour sur la prévention passent par là. "
Intéressant, n'est-ce pas ?
Si je suis sous le feu des tirs à boulets rouges, c'est
peut-être parce que je ne pouvais renoncer à ma conception du travail,
exigeante, pendant que d'autres supportaient de tomber dans le malheur du.de la
travailleur.euse condamnée à produire de la daube (ex dans la recherche :
produire de l'article et du bouquin au kilomètre dans les revues les plus
"mainstream" de sa discipline, fusionner son petit labo convivial
avec d'autres parce que la mode est aux usines de recherche, etc).
Voilà qui a, au moins, un sens, à défaut de faire évoluer
le conflit ...
Néanmoins, les propos suivants m'intéressent :
"A partir de là, la victime voit ses perspectives
s’assombrir. Le message qui lui est adressé est terrifiant : vous êtes
confronté à la volonté de destruction d’un pervers narcissique. Vous êtes
engagé dans un combat à mort."
C'est précisément, d'une part, le résultat final du
conflit au taf (ou ailleurs) qui évolue mal. ex : le professeur des universités
qui dit à l'étudiante, venue consulter sa copie dans son bureau "je ne peux
pas faire de démagogie : vous n'avez pas le niveau pour entrer en master 2, et
je ne ferai pas comme certains collègues qui donnent des notes démago et
ensuite vous vous écroulez en master 2. Vous n'avez pas votre place en master 2
recherche, mademoiselle". Le conflit pas assumé comme tel, ici, c'est
celui qui fait dire, juste après, à ce prof : "moi, les anthropologies
périphériques, je suis pour qu'elles restent à la périphérie.". La copie
ayant obtenu 8/20 se terminait précisément par une référence, positive,
auxdites anthropologies périphériques ... mea culpa.
L'étudiante doit rester à la périphérie du master 2
recherche ... ?
De facto, il y a bien ici engagement d'un combat à mort
(universitaire) et une volonté de destruction (de la place de l'étudiante
-supposée- adepte de théories insupportables alors au correcteur).
D
'un coup, dans le bureau, l'étudiante voit ses
perspectives s'assombrir ...
L'auteur enchaîne :
"Beaucoup d’éléments laissent penser que cette
interprétation peut avoir, par elle-même, un caractère traumatique. Parce
qu’elle est en grande partie impensable et parce qu’elle ne semble pas ouvrir
sur des modalités de résolution favorables aux victimes. "
Eh oui, mais parfois, c'est un peu plus qu'une
interprétation, c'est devenu une réalité !
Et que dire sur la victime d'abus sexuels, bon, déjà au
taf (harcèlement sexuel, bien passé à la trappe et sous silence depuis
l'arrivée du terme "harcèlement moral"), mais pour en revenir à mon
sujet, dans sa famille alors qu'elle est enfant ?
En effet, à partir du début des abus par papa, frangin,
tonton ou maman ou autre apparenté.e,
"la victime voit ses perspectives s’assombrir. Le
message qui lui est adressé est terrifiant : vous êtes confronté à la volonté
de destruction d’un pervers narcissique. Vous êtes engagé dans un combat à
mort."
Et ce message, il est contenu dans les actes abusifs de
l'apparenté.e et dans le silence parfois complice des autres. Il est bien réel.
Et pour désigner tout ce monde : les personnes victimes
de harcèlement moral au travail suite à un conflit implicite qui a mal tourné,
les personnes victimes d'inceste, etc, un seul mot, censé les résumer toutes :
"victime".
A partir de là, je note la facilité qu'il y a à disserter
sur "la victime", ou "les victimes", mais on ne précise
plus de quoi.
En effet, peut-on trouver du sens à la situation
incestueuse de la même façon qu'à celles décrites ici pour le travail ?
Je n'ai pas l'impression.
D'abord, l'enfant victime n'a encore rien eu le temps de
faire. Son crime est d'exister là, on dirait.
Il.elle n'a même pas eu le temps de se forger une
situation de victime de harcèlement car attaché.e à la beauté de son travail
...
Bref, nous voilà, dans ce cas de figure, ramené.e.s au
combat à mort, à une personne mineure d'âge et nouvelle dans le monde
confrontée à la volonté de destruction d'un.e (ou plusieurs) apparenté.e.s qui,
certainement, sont donc bien des "pervers narcissiques".
Mais l'auteur poursuit :
"La question de l’impensable est très importante.
Hirigoyen (2001) le souligne : dans le harcèlement moral, « ce qui rend fou,
c’est la perte de sens ». Mais le diagnostic lui-même participe à cette perte.
Parce qu’il ne parvient pas à aider la victime à penser la situation, le
psychiatre la considère comme vide de sens. La notion de pervers narcissique
exprime alors le renoncement à pousser plus avant l’analyse. L’interprétation
accentue à son tour l’incapacité de la victime à penser son histoire : elle est
tombée sur un pervers comme d’autres sont pris dans un tremblement de terre.
C’est cette incapacité à donner sens à une histoire qui s’est pourtant bien
jouée dans le domaine des relations interhumaines qui lui confère son caractère
traumatique. "
Ben ... c'est un peu ça, non, précisément, ce qui se
passe pour les personnes qui ont été victimes d'inceste ?
"A partir de là, l’évolution est incertaine. Il est
parfois présumé que la reconnaissance par la justice a un effet
thérapeutique." mais selon l'auteur, ce n'est pas prouvé scientifiquement.
Bref, voilà un article très intéressant pour toutes nos
situations de travail où il y a des problèmes qualifiables de
"harcèlement". Mais complètement inutilisable pour les situations
d'inceste ...
"Victime", c'est donc un mot qui cacherait une
très grande diversité de vécus et de contextes.
Sauf que la phrase ci-dessous m'intéresse aussi pour les
situations d'inceste :
"le diagnostic lui-même participe à cette perte.
Parce qu’il ne parvient pas à aider la victime à penser la situation, le
psychiatre la considère comme vide de sens. La notion de pervers narcissique
exprime alors le renoncement à pousser plus avant l’analyse. "
Alors j'ajoute que la notion de "pervers
narcissique", c'est comme une étiquette hors du temps : comme si le
méchant était né comme ça (ou presque), et donc comme si c'était sa nature, qui
n'a jamais changée au fil du temps.
Bref, ce diagnostic, pour moi, a pour tort de nier
l'histoire.
Il nie qu'avant d'être un père ou un frère ou une mère
incesteur.euse, l'abuseur.euse n'avait jamais abusé.
Il nie qu'il y a eu une entrée, à un moment donné, dans
un parcours de démolisseur d'enfant.s.
Il ne s'intéresse pas à l'histoire singulière du groupe
(ici, familial) où se sont produits ces actes destructeurs, ni à l'histoire de
la société dont est imprégnée ce groupe ("le psychisme, c'est de la
culture introjectée", source : cours de François Laplantine, et donc j'ajoute "le psychisme de l'appareil
psychique groupal familial, ça doit bien être itou").
Peut-être qu'il y aurait du sens à retrouver là, dans
l'histoire singulière d'une part, et collective d'autre part ...
Mais voilà que la voix off fait irruption, d'un coup,
sans prévenir, comme d'hab, dans la discussion.
Elle a l'air bien remontée.
Hein ? Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? J'ai du mal à
entendre, tu sais ...
La voix off augmente le volume et dit : "mais j'en
ai marre de toi !!! Putain de crébonsang j'en ai marre des étiquettes que tu me
colles !!".
Oh, hé, ho, on se calme, la voix off, là ?
Tout le monde te déteste ici, et a bien raison : je
rappelle aux nouveaux arrivant.e.s que dans l'histoire, tu es la voix qui veut
toujours tout dominer, que tout le monde lui obéisse, etc, enfin, tu es un vrai
tyran, faut pas te laisser faire, et c'est d'ailleurs pour ça qu'à mon grand
regret, il faut toujours que je te coupe le micro à la fin.
Crois moi, c'est pas de gaité de coeur.
"Mais j'en ai marre de toi !!! Putain de crébonsang
j'en ai marre des étiquettes que tu me colles !!
Bon sang, mais vous n'avez pas compris, depuis le début,
comment vous êtes tou.te.s arnaqué.e.s ?".
Ouh ... mais tu vas te taire, toi. Attends que je
retrouve le bouton du volume du canal sur lequel tu parles, sur la table de
mixage.
"Ah non, là j'en ai vraiment marre ! Si tu me coupes
ce canal, j'en prendrai un autre, puis un autre, puis encore un autre ! Mais
cette fois, vous allez m'écouter, crébonsang de crébonsang !!"
Tutututututututututut !
Tu vas te calmer, sinon je te mets sous la douche
(froide) pour te remettre les idées en (bonne et saine) place.
"VOUS ALLEZ M'ECOUTER ET TOI CA SUFFIT MAINTENANT.
LA BOUCLE A TON TOUR : Y'A QUE TOI QUI PARLE ICI, J'EN AI MARRE !!
POURQUOI PERSONNE COMPREND QUE C'EST TOI LA VOIX OFF, ET
PAS MOI, à la fin ?".
Alors là, j'éclate de rire, excusez-moi : quelle est
cette idée délirante ? (et je fais le signe "toc toc", qui veut dire
"elle est folle", de la main).
"avoue que c'est toi, allez. T'as même pas les
couilles d'assumer. T'es vraiment lamentable. Mais en plus, tu le sais, depuis
le début, que c'est toi, la voix off, et pas moi."
Non mais comment ça ? Explique ? Vas-y ?
"Eh bien, oui, la voix off, c'est bien cette voix
qui se situe hors du film, et qui décrit et commente tout ce qui s'y déroule ?
Toi, tu fais quoi, depuis le début ?"
Ah oui. Mais ma cocotte, justement : comme c'est moi qui
nomme les choses dans le film, eh bien c'est moi qui décide de qui est la voix
off. C'est moi qui ai ce pouvoir, et donc c'est toi la voix off.
"Et vous la croyez ? Mais vous êtes con.ne.s ou quoi
? Vous voyez bien comment ça marche ?! Je ne suis qu'une pauvre voix parmi
d'autres, et depuis le début, elle me fait passer à vos yeux pour le mal en
personne ! C'est scandaleux !".
(Bon sang, mais où est passé ce bouton "off"
... rrrrrh ... sur quel canal s'est mise cette foutue voix qui veut me
démasquer ... rrrrrh ... qui lui a donné les clefs .... rrrrrrh ?).
Ecoute ma vieille, ce qui est scandaleux, c'est qu'à ce
stade du présent courriel, je n'aie pas encore pu te mettre off. La coutume
l'exige, pourtant, et tu t'y opposes honteusement.
Alors s'il te plait, plies toi à la règle qui exige que
la voix off soit mise off à la fin, comme à chaque fois.
"Ben t'as qu'à te taire ! C'est quand même pas de ma
faute, si t'es devenue la voix off parce que tes collègues les chercheurs.euses
étaient trop timides pour te tenir la réplique comme moi je l'ai fait depuis le
début.
Moi, je t'ai tenu la réplique, c'était pour qu'il n'y ait
plus de voix off, mais un dialogue à au moins deux voix. Et toi, de quoi tu me
traites ? De voix off ! Ah mais, regarde toi dans un miroir : tiens ! Là, tu
vois ?
Ben c'est toi, qu'es devenue malgré toi et moi, la voix
off de cette histoire".
Et là, lecteur, lectrice, je dois dire que devant l'image
dans la glace, je reste bouche bée,
c'qui fait qu'la voix off
Comme le veut la coutume
Ben elle est off.
[Au moment du présent courriel où, soudainement, la voix off fait irruption dans le texte, et me désigne, moi
l’auteure de ces lignes, comme étant la vraie voix off de l’histoire, le
service juridique de Lyon 2 a déposé une annotation manuscrite, en marge.
Ce commentaire de manuscrit est intéressant. L’agent
du service juridique de Lyon 2 (un cadre A, tout de même…) a noté :
"cohérence du propos ?".
Mon propos est pourtant très cohérent : il s'agissait,
de manière littéraire, de mettre en lumière un processus en train de se faire
dans la réalité, en utilisant la fiction "voix off".
La "voix off", dans un texte ou un film, est celle qui est pourvue du
pouvoir de nommer les situations, les gens, de les décrire, et est supposée
détentrice de l'objectivité, donc les "descripteurs", les
"étiquettes" qu'elle leur accole, sont perçus par tou.te.s comme
exacts.
Dans le texte, je suis la vraie voix off, et je
stigmatise "la voix off" depuis juillet 2010 en la désignant comme
étant une affreuse "voix off" (allusion aux ouvrages de François Laplantine où il en parle toujours de
manière très négative, notamment voir l'ouvrage "Leçons de cinéma pour
notre époque"). Cet implicite était connu de toutes les personnes -
nombreuses dans ma liste mail - qui lisent François Laplantine.
Nous assistons ici, à la rébellion de la soit-disant
"voix off", contre l'étiquette infamante que je lui assigne dans le
texte.
La note manuscrite faite au nom de l'université, en marge
de page, peut alors apparaître comme suit : dans son texte sur mon texte,
l'université est la "voix off" qui a le pouvoir de me désigner d'une
étiquette "objective", à laquelle tout le monde croira comme une
évidence factuelle, puisque c'est elle qui a le "pouvoir de parole".
Ici, l'étiquette posée par l'université à mon encontre est : "cohérence
des propos ?".
Je vous laisse en juger…]
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