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mardi 26 mars 2013

Victime, victime, ou ... pas victime ? Suite du débat sur cette notion de "victime".

Et voici, donc, la suite du débat qui eut lieu en septembre 2010, grâce à la liste mail CREA'tif, autour de la notion de "victime".
Encore un courriel qui n'a pas été mis dans le dossier pénal...contrairement aux précédents et à d'autres qui vont suivre. Etonnant, ainsi, que le propos tenu dans ces courriels ait pu être présenté comme "incohérent" (sous entendu : elle est folle, elle délire, etc) au Parquet par l'université Lyon 2...et qu'il l'ait cru - plus de précisions ici, sur les procédés employés et le déroulement des faits



Envoyé le : Lundi 27 septembre 2010 22h42
Objet : victime, victime, ou ... pas victime ?



Bonsoir,

Nous poursuivons le débat autour du mot "victime", ce soir avec un mot envoyé par "Auteure obligatoirement anonyme".

Pourquoi obligatoirement anonyme ?

Vous vous souvenez peut-être, pour celles et ceux qui étaient là alors, de cette citation, que je vous remets ici :

"En revanche, quand il y a prescription, les incesté/e/s sont tout à fait officiellement contraintes au silence. Eva Thomas relate cette découverte qui est l’objet de son deuxième livre :

« Elle vient de relire ce qu’on en disait dans la presse (…) « le procès de la honte », « la mémoire violée », « le non droit à la parole ». (…) Le président a rappelé chaque fois aux témoins : « vous chercherez autant que faire se peut, dans votre déposition, à ne pas témoigner sur la vérité des faits diffamatoires, puisque la preuve en est interdite. » Il est interdit de parler publiquement de faits prescrits non jugés.
C. a parlé à la télévision des viols incestueux subis dans l’enfance, elle en a parlé sans donner son nom, ni le lieu [mais à visage découvert]. (…) Son père a porté plainte en diffamation et maintenant C. est là, assise au banc des accusés, c’est elle la « prévenue » et son père a le droit de l’attaquer et de demander des dommages et intérêts.
L’avocat de C. résume la situation : « le père vient demander publiquement réparation, en honneur et en argent, des viols qu’il a commis sur sa fille ».
Mais cette phrase-là est aussi interdite, en principe. La vérité est interdite de tribunal aujourd’hui. » (Eva Thomas, 2004, pp 25-27).

Suite à ce procès qui a eu lieu en juin 1989, et a suscité l’indignation, les délais de prescription ont été allongés une première fois pour les viols et agressions sexuelles sur mineur/e par ascendants ou personnes ayant autorité.

Le problème de fond subsiste néanmoins : tou/te/s les incesté/e/s pour lesquelles il y a tout de même prescription aujourd’hui, comme Paulette, Aurélie ou Danielle, sont exposées au même risque, si elles parlent publiquement, tant que leur incesteur est en état de porter plainte.

Finalement, on peut remarquer avec Axel Honneth que « il s’agit [là] des modes de mépris personnel dont un sujet est victime lorsqu’il se trouve structurellement exclu de certains droits au sein de la société. [ici, celui de pouvoir, à minima, témoigner, faire récit d’un crime subit] (…) l’expérience de la privation de droits est typiquement liée à une perte de respect de soi, c’est à dire à l’incapacité de s’envisager soi-même comme un partenaire d’interaction susceptible de traiter d’égal à égal avec tous ses semblables » (Axel Honneth, 2000, pp 163-164), or, « parce que l’idée normative que chacun se fait de soi-même – de son « moi », dans la terminologie de Mead – dépend de la possibilité qu’il a de toujours se voir confirmer dans l’autre, l’expérience du mépris constitue une atteinte qui menace de ruiner l’identité de la personne tout entière » (Axel Honneth, 2000, p. 161).

7)     La parole et ses effets : généalogies de l’inceste

D’autre part, ce problème de fond s’avère important aussi parce que c'est, précisément, quand d'autres parlent des abus sexuels subis, que la plupart des incestées que j'ai écoutées peuvent nommer ce qui leur a été fait." (Perrin, 2008, pp 76-77).


Bon, eh bien "C.", dont l'histoire est résumée dans mon mémoire via les mots d'Eva Thomas, fait partie de notre groupe ici depuis un bon mois je crois. "C." et "Auteure obligatoirement anonyme" sont une seule et même personne.

[Erratum : il y avait eu ici confusion entre deux histoires : in fine, "C." n'est pas "auteure obligatoirement anonyme", qui est une troisième protagoniste, restée en coulisse des mots d'Eva Thomas.
Dans un mail ultérieur, j'avais rectifié l'erreur. Il s'est trouvé rendu public ici par auteure obligatoirement anonyme, dans les conditions précisées par mes soins en commentaire en-dessous]


Avant de laisser la parole à Auteure obligatoirement anonyme, je me permets de remarquer :

- que de facto, un mémoire d'anthropologie (ou de toute autre discipline), est un moyen de pouvoir faire passer dans l'espace public des récits qui, sinon, pourraient valoir à leurs auteur/e/s les mêmes problèmes qu'à C., aujourd'hui encore, au 21e siècle en France. En outre, il est un moyen de "collectiviser" ces récits, c'est à dire de faire apparaître leurs points communs et aussi leurs différences : pour moi, cela participe de l'ébauche d'une mémoire collective sur ces histoires occultées de l'Histoire. Ce qui était difficile (je parle ici de mon mémoire de master 1), c'était de ne pas écorner, ou écorcher, ces récits, c'était de faire en sorte que les personnes s'y retrouvent ... tout en faisant que les anthropologues s'y retrouvent aussi.
Plusieurs m'ont perçue comme "porte parole", et je me suis perçue comme cela aussi. J'ai donc implicitement accepté ce mandat.
J'ai essayé de le remplir au moins mal (eh oui, on est loin de la "nécessaire mise à distance sociologique", mais cela a été mon parti pris). D'après les retours que j'ai eus, ça a été.
J'ajoute enfin que dans ce mémoire (celui de master 1), j'ai des récits qui, sans ma demande, n'auraient jamais été écrits : toutes les personnes ayant été victimes d'inceste n'ont pas la plume facile (je fais partie des exceptions), et encore moins souvent l'accès aux éditeurs facile. Qui plus est, les éditeurs constituent un filtre qui laisse forcément passer certains témoignages et pas d'autres.
Moi aussi, j'ai fait des choix dans mon mémoire, forcément. Mais comme ce sont des choix différents, il y a là un pan différent de ces histoires qui est désocculté.

- Je suis moi-même dans le cas d'Auteure obligatoirement anonyme, c'est pour cela que j'ai pris un soin méticuleux à suggérer, sans jamais dévoiler, l'identité exacte de mon agresseur, dans mon mémoire de master 1 et celui de master 2 (écrits destinés à être largement publics).
Il m'a appris à calculer, mon agresseur. Donc tout le monde sait, autour de moi, qui il est. Mais il n'en aura jamais de preuve.
Il est triste de devoir emprunter à son agresseur les moyens de l'impunité ... mais tant que le système judiciaire sera ainsi fait, il faudra bien.
Ceci étant, dans mon mémoire de master 1, je me suis en outre permis le luxe de laisser quelques vrais noms : "ce surnom, qu'il te donnait durant les abus, hormis toi et lui, d'autres personnes sont au courant ?". Non. Bon, eh bien on peut le laisser tel quel (vu qu'il ne pourra jamais prouver que c'est toi qui parles ici), sauf si tu préfères pas.
On l'a laissé tel quel : ainsi, si un jour il tombe sur ces lignes là, il verra son secret mis sur la place publique.
Mon mémoire de master 1, à cet égard, ce n'est pas un mémoire : c'est une guerre.

Mais j'ai beaucoup parlé, alors je laisse (enfin !) la parole à ma collègue, dont je vous invite à visiter le blog (le premier lien, c'est vers la page "définitions du mot victime", le deuxième lien, en bas, c'est vers tout ce qui s'est passé autour de l'émission où elle a témoigné, elle "C.", à visage découvert, mais raconté comme elle a choisi elle de le faire apparaître sur son blog).
Vous verrez que c'est un blog très documenté, mais c'est normal : elle est documentaliste.
Voilà les réflexions qu'elle nous propose :

Bonjour Sophie,
Je suis en DU de victimologie à [une université].
J’ai aussi vraiment beaucoup de mal avec ce mot [victime], un mot qu’on veut nous faire accepter, mais qui ne me convient pas.
J’ai une rubrique définition de victime sur mon blog
Un article d’Evelyne Josse repris sur mon blog :
http://viols-par-inceste.blogspot.com/2010/02/la-signification-du-terme-victime-par.html
Pour ma part j’ai aussi catégorisé, même si c’est nocif, les incesté-e-s en trois :
Tout en gardant l’humilité pour seul orgueil, elle prenait note des attitudes qu’elle ne voulait pas adopter. Elle observait les incestées dont le père était passé en jugement et qui avait tendance à crier vengeance ; les manipulatrices qui avaient bien assimilé le système d’emprise et qui le reproduisait en toute bonne foi, en faisant du viol par inceste leur fonds de commerce et les fracassées qui essayaient de ne plus être manipulables. Son devoir restait de se dépêtrer avec les faiblesses dans le respect de tout un chacun.
Extrait des Interdits ordinaires
http://resilience-autofiction.over-blog.fr/article-peparation-de-l-emission-mediations-du-27-mars-1989-sur-51376034.html
Bon courage,
[Auteure obligatoirement anonyme]

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